Imaginez le choc : la maire de votre ville, celle en qui vous avez placé votre confiance, se retrouve au cœur d’un scandale retentissant de trafic de drogue. C’est précisément ce qui est arrivé aux habitants de Canteleu, une commune de 15 000 âmes près de Rouen en Seine-Maritime. Leur élue, Mélanie Boulanger du Parti Socialiste, comparaît depuis ce lundi devant le tribunal de Bobigny pour complicité dans un vaste réseau de narcotrafiquants.
Une affaire qui démarre sur un parking en banlieue parisienne
Tout commence en septembre 2019 lorsque la police surprend ce qui s’apparente fortement à une transaction de drogue sur un parking de Seine-Saint-Denis. Pas moins de 2 kg de cocaïne sont échangés contre plus de 50 000 euros en liquide. Les enquêteurs remontent rapidement la piste jusqu’à Canteleu, la ville dirigée par Mélanie Boulanger, car le véhicule du vendeur est immatriculé au nom d’un restaurant local.
Les frères Meziani, de puissants trafiquants locaux
Aziz et Montacer Meziani, deux frères respectivement âgés de 39 et 36 ans, sont très vite identifiés comme les têtes pensantes d’un important trafic de stupéfiants dans l’agglomération rouennaise. Contrôlant un réseau parfaitement structuré, ils n’hésitent pas à afficher leur train de vie fastueux : grosses berlines allemandes, bijoux clinquants et virées en boîte de nuit. Les enquêteurs soupçonnent qu’ils brassent des dizaines de kilos de cocaïne et des centaines de milliers d’euros chaque année.
Des liens troublants avec la maire de Canteleu
Mais ce qui intrigue le plus les policiers, ce sont les liens étroits qu’entretiennent les frères Meziani avec Mélanie Boulanger, la maire PS de Canteleu. Des photos les montrent en train de déjeuner ensemble dans des restaurants chics. Certains témoins affirment même que l’élue aurait été aperçue au volant de leurs luxueux véhicules. Aurait-elle volontairement fermé les yeux sur leurs activités illicites ?
La justice va devoir déterminer si Mme Boulanger a sciemment “protégé” ces trafiquants de haut vol en échange de faveurs. L’élue affirme être innocente mais les indices qui l’accablent sont nombreux.
– Un proche du dossier
Selon l’accusation, la maire aurait bénéficié de généreux “cadeaux” de la part des frères Meziani : travaux dans sa maison de campagne, places VIP pour des matchs de foot, voyages tous frais payés… En échange, elle aurait usé de son influence pour leur obtenir des marchés publics et les prévenir en cas de descente de police.
Une élue qui clame son innocence
Depuis le début de l’affaire, Mélanie Boulanger nie farouchement avoir “protégé” ces trafiquants. Elle assure que ses relations avec eux étaient purement “amicales” et qu’elle ignorait tout de leurs activités illégales. Son avocat dénonce un “procès en sorcellerie” et une “incrimination abusive” liée à sa seule qualité de maire.
Reste que la justice dispose d’éléments troublants comme ces écoutes téléphoniques où l’on entend l’élue dire à Aziz Meziani : “T’inquiète, je gère. Ils n’y verront que du feu”. Ou encore ces mystérieux lingots d’or saisis chez elle lors d’une perquisition. Des faux selon Mme Boulanger, de l’or pur pour les enquêteurs.
De lourdes peines requises
Pour ce procès ultra-médiatique qui doit durer trois semaines, le parquet a requis de lourdes peines :
- 10 ans de prison ferme contre Aziz et Montacer Meziani, ainsi que la confiscation de leurs biens mal acquis
- 5 ans dont 3 avec sursis contre Mélanie Boulanger, assortis d’une peine d’inéligibilité
- Des peines allant de 6 mois avec sursis à 4 ans ferme pour la vingtaine de “petites mains” du réseau
Le jugement sera mis en délibéré après les plaidoiries des différentes parties. Une chose est sûre : quelle que soit l’issue du procès, cette affaire laissera des traces indélébiles à Canteleu. La preuve qu’aucune ville, même la plus paisible en apparence, n’est à l’abri des tentacules de la criminalité.