Six jihadistes français, condamnés à la prison à vie en Irak après la chute de l’État islamique, ont porté plainte à Paris pour dénoncer les tortures et traitements inhumains qu’ils subiraient dans une prison de Bagdad. Une information judiciaire vient d’être ouverte par une juge d’instruction pour enquêter sur ces graves accusations.
Des peines commuées mais des conditions de détention dénoncées
En juin 2019, onze jihadistes français avaient été condamnés à mort par pendaison par la justice irakienne. Le 30 mai dernier, leurs peines ont finalement été commuées en emprisonnement à perpétuité. Mais depuis, six d’entre eux ainsi qu’une Française condamnée à 20 ans de prison dénoncent leurs conditions de détention à la prison d’Al Rosafa.
Selon leurs avocats qui se sont rendus sur place, ils subiraient des tortures et des traitements inhumains et dégradants. L’un des détenus, une trentenaire « gravement malade », « croupirait dans une prison immonde » sans bénéficier « d’aucun soin » d’après son avocate. Leur transfèrement vers la France est réclamé comme « une urgence sanitaire ».
Une enquête laborieuse qui aboutit enfin
Les jihadistes français ont également porté plainte pour détention arbitraire, estimant ne pas avoir eu droit à un procès équitable en Irak. Mais la justice française a d’abord refusé d’enquêter sur leurs plaintes déposées dès 2020.
Ce n’est qu’après de multiples recours de leurs avocats, et en s’appuyant sur les rapports alarmants de ceux qui ont pu leur rendre visite en prison, qu’une juge d’instruction parisienne vient finalement d’être saisie. Des informations judiciaires distinctes ont été ouvertes entre décembre 2023 et janvier 2024 pour enquêter sur le sort de six des jihadistes.
Ces décisions sont un rappel du droit dont on se félicite, mais la vraie victoire adviendra quand les infractions auront été reconnues.
Maître Matthieu Bagard, avocat d’un des jihadistes
Un dossier complexe aux enjeux multiples
Les jihadistes français condamnés en Irak font déjà l’objet d’enquêtes antiterroristes en France. Leur sort soulève des questions complexes :
- Le respect des droits humains et des conditions de détention à l’étranger
- L’équité des procès dans les pays où ils ont été jugés
- Leur éventuel transfèrement et jugement en France
- La prise en charge de leur état de santé dégradé
Même s’ils ont rallié un groupe terroriste, la France reste responsable du traitement de ses ressortissants détenus à l’étranger. L’ouverture de ces enquêtes est donc un premier pas pour faire la lumière sur leur situation. Mais le chemin judiciaire et diplomatique sera encore long avant leur possible rapatriement.
Face à ce dossier sensible, le gouvernement français reste pour l’instant discret. Mais il devra tôt ou tard clarifier sa position sur le sort de ces jihadistes français, pris entre les mailles de la justice irakienne et leurs droits fondamentaux bafoués. Un casse-tête judiciaire, sécuritaire et humanitaire.