Dans un rapport alarmant publié récemment, le Haut Conseil de la Famille de l’Enfance et de l’âge (HCFEA) dresse le constat inquiétant d’une nouvelle génération d’enfants grandissant déconnectée de la nature en France. Selon cette institution placée sous l’autorité du Premier ministre, nos bambins passent de moins en moins de temps en extérieur, au profit d’activités sédentaires et encadrées dans des espaces clos. Une tendance lourde de conséquences pour leur développement et leur rapport à l’environnement.
Des espaces peu accueillants et des peurs multiples
Plusieurs facteurs expliquent ce repli des enfants vers l’intérieur. Tout d’abord, les espaces publics apparaissent peu adaptés et sécurisés pour les plus jeunes. Trottoirs étroits et mal entretenus, absence de commerces ou d’éclairage, omniprésence des véhicules motorisés : autant d’éléments dissuasifs pour les parents. S’ajoute à cela une crainte croissante des mauvaises rencontres et des accidents, poussant à privilégier la voiture sur les trajets quotidiens.
Par ailleurs, les réglementations restreignent souvent les possibilités de jeu et d’exploration en extérieur, pourtant essentielles au développement de l’enfant. Normes, interdictions diverses, et une volonté de supprimer tout risque conduisent à des aménagements aseptisés et minéraux, comme l’illustre l’anecdote de cette école qui a préféré un parking à un parc par peur des seringues et toxicomanes.
Une “culture de la chambre” renforcée par le Covid
La crise sanitaire a accentué cette tendance à “l’enfermement”. Confinements, fermetures d’écoles, restrictions de déplacement : les bambins ont passé des mois coupés de l’extérieur. Une “culture de la chambre” s’est ainsi développée, où amitiés et distractions passent par les écrans. Un mode de vie sédentaire aux multiples conséquences néfastes:
- Manque d’activité physique et risque d’obésité
- Huis clos favorisant les tensions familiales
- Perte de lien social et intergénérationnel
- Problèmes de santé mentale
- Consommation excessive des écrans
Selon une étude du Lancet, la France se classe au 22ème rang sur 25 pays riches en termes d’activité physique des 11-17 ans. Une sédentarité aux lourdes conséquences sur la santé des jeunes générations.
Le risque d’une “amnésie environnementale”
Au-delà de l’impact immédiat sur leur bien-être, cette coupure de la nature pourrait rendre les enfants moins sensibles aux enjeux écologiques. Le HCFEA évoque le spectre d’une “extinction de l’expérience de la nature” ou “amnésie environnementale”. Difficile en effet de se soucier de ce qu’on ne connaît pas, ou si peu.
Pour la présidente du HCFEA, Sylviane Giampino, le contraste est saisissant avec les générations précédentes :
Il y a une génération, on se félicitait de sortir les enfants et on leur proposait de fréquenter camarades et voisins dehors. Aujourd’hui, quand ils sont en extérieur, on tend à la voir comme délaissés ou en danger.
Sylviane Giampino, présidente du HCFEA
Des villes à hauteur d’enfant
Face à ce constat, le Haut Conseil formule plusieurs recommandations pour “ouvrir la ville aux enfants” et recense des initiatives inspirantes en France et à l’étranger :
- Développer parcs, jardins partagés et espaces naturels en ville
- Végétaliser les cours d’école
- Concevoir des environnements favorables à la promenade, au jeu, aux rencontres
- Rendre un espace vert accessible à 15 min à pied de chaque enfant
Autant de pistes pour réconcilier les nouvelles générations avec le vivant qui les entoure. Car c’est aussi en retissant ce lien vital avec la nature qu’on préparera les citoyens et citoyennes de demain, conscients des défis environnementaux qui les attendent. La lutte contre le dérèglement climatique passe aussi par les cours de récré.