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Une Coprésidente d’Emmaüs Interdite de Réunion en Préfecture pour son Voile

La coprésidente d'Emmaüs Ruffec, Ilham Bouhadjar, s'est vue refuser l'accès à une réunion en préfecture à cause de son voile. La préfète invoque un "devoir de neutralité", mais l'association et une sénatrice crient à la discrimination. Retour sur une polémique qui interroge la place de la religion dans l'espace public...

Ilham Bouhadjar, coprésidente bénévole de l’antenne Emmaüs de Ruffec en Charente, a été interdite de participer à une réunion en préfecture le 18 juin dernier. La raison invoquée ? Son foulard, signe religieux ostentatoire jugé contraire au principe de neutralité qui s’applique dans les bâtiments publics. Un incident qui relance le débat sur la place de la religion dans la sphère publique.

La préfète invoque un “strict devoir de neutralité”

Dans un courrier adressé au président d’Emmaüs France, la préfète de Charente Martine Clavel a justifié sa décision d’exclure Ilham Bouhadjar. Selon elle, l’association étant “investie d’une mission de service public” à travers sa labellisation Espace France Services, ses membres sont soumis à un “strict devoir de neutralité”, incompatible avec le port de signes religieux.

Une position contestée par l’intéressée, qui souligne son statut de bénévole non rémunérée par l’État. “J’ai déjà participé à des réunions en préfecture par le passé, sans que cela ne pose problème”, s’étonne-t-elle auprès de Charente Libre.

Emmaüs et une sénatrice crient à la discrimination

Face à cette interdiction, Emmaüs France a saisi la défenseure des droits, dénonçant un “acte discriminatoire”. Dans un courrier à la préfète, le président Bruno Morel rappelle qu’Ilham Bouhadjar n’est pas un agent public tenu à la neutralité, et s’insurge qu’on lui demande de retirer son voile “sous prétexte que le principe de laïcité doit être respecté d’autant plus dans le contexte des élections législatives”.

La sénatrice charentaise Nicole Bonnefoy (PS) a également interpellé la défenseure des droits, qualifiant la décision préfectorale d'”acte de discrimination” à l’encontre d’une “citoyenne irréprochable et très impliquée”. Elle dit ne pas comprendre les fondements juridiques d’une telle exclusion.

Une polémique qui interroge la laïcité et le rôle des associations

Au-delà du cas individuel d’Ilham Bouhadjar, cette affaire soulève la question épineuse de l’application du principe de laïcité et de neutralité aux associations partenaires de l’État. Si la loi de 1905 encadre strictement la neutralité religieuse dans les services publics, le statut des associations dites “investies d’une mission de service public” reste plus flou.

Pour certains, exiger une neutralité absolue revient à exclure de fait certains bénévoles religieux et à restreindre la liberté associative. D’autres estiment au contraire que toute structure délégataire d’une mission publique doit se plier aux mêmes règles que l’administration, afin de préserver la neutralité de l’État.

Une chose est sûre : dans un contexte de crispation autour de la place de l’islam, l’interdiction faite à la coprésidente d’Emmaüs a relancé un débat de société loin d’être tranché. L’avis de la défenseure des droits, autorité indépendante chargée de lutter contre les discriminations, est désormais attendu pour éclairer les zones grises entre liberté religieuse et neutralité du service public.

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