ActualitésCulture

Une amitié intercoréenne fragile et émouvante dans « JSA »

En 2000, Park Chan-wook osait filmer une improbable amitié entre soldats sud et nord-coréens dans "JSA". Un pari risqué et visionnaire, toujours aussi poignant 25 ans après, à l'heure où les tensions...

Il y a 25 ans, le réalisateur sud-coréen Park Chan-wook prenait un pari audacieux avec son film « Joint Security Area » (JSA). Plombé par deux échecs précédents, il décidait de jouer le tout pour le tout en mettant en scène une improbable amitié entre des soldats sud et nord-coréens, au risque d’être accusé de glorifier le régime de Pyongyang, un crime passible de prison en Corée du Sud. Pourtant, contre toute attente, le long-métrage allait devenir un classique du cinéma coréen et propulser son auteur et ses acteurs vers une renommée internationale.

Une œuvre visionnaire sur fond de détente historique

Sorti en septembre 2000, trois mois seulement après le sommet historique entre le président sud-coréen Kim Dae-jung et le dirigeant nord-coréen Kim Jong Il, « JSA » a bénéficié d’un timing parfait. Surfant sur la vague d’apaisement entre les deux pays techniquement toujours en guerre depuis 1953, le film a connu un succès phénoménal, raflant de nombreux prix et devenant le long-métrage sud-coréen le plus rentable de l’époque.

Récompensés à la Berlinale, Lee Byung-hun et Song Kang-ho, les acteurs principaux de ce casting audacieux, sont depuis devenus des stars planétaires, brillant respectivement dans des productions comme « Squid Game » ou « Parasite ». Même le leader nord-coréen Kim Jong Il, grand amateur de cinéma, aurait visionné le film selon certaines sources.

Un lieu emblématique des tensions intercoréennes

« JSA » se déroule dans la Zone de sécurité commune (ZSC), le seul endroit de la Zone démilitarisée (DMZ) où les soldats des deux Corées se font face. Malgré son nom, la DMZ reste l’une des frontières les plus militarisées au monde. Pour les besoins du tournage, Park Chan-wook a dû recréer ce lieu emblématique en studio.

L’intrigue suit deux soldats nord-coréens venant en aide à un soldat du Sud blessé par une mine. Une amitié secrète se noue alors entre eux, rythmée par des échanges de K-pop et de chocolats, avant un dénouement tragique. Une histoire simple mais puissante, brisant un tabou en humanisant des personnages de Corée du Nord.

« Avant ‘Joint Security Area’, montrer des soldats nord-coréens dans le cinéma sud-coréen était assez tabou », rappelle Nam Dong-chul, directeur de la programmation du Festival international du film de Busan.

Un héritage cinématographique durable

Au-delà de son sujet délicat, « JSA » a marqué par sa capacité à combiner la vision artistique de son réalisateur avec une indéniable viabilité commerciale. Un équilibre qui a ouvert la voie à toute une nouvelle génération de cinéastes coréens talentueux et ambitieux.

Alors que les relations entre les deux Corées semblent à nouveau dans l’impasse, Park Chan-wook ne cache pas une certaine amertume. Lors d’une récente conférence de presse à Séoul, il soulignait :

« C’est une triste réalité, dans le sens où les thématiques de ce film peuvent encore résonner auprès de la jeune génération. J’espère que d’ici le 50e anniversaire, nous pourrons simplement en parler comme d’une histoire du passé ».

Une zone emblématique au gré des vents diplomatiques

La Zone de sécurité commune a été le théâtre d’authentiques moments de détente, comme la rencontre historique en 2018 entre Kim Jong Un et le président sud-coréen Moon Jae-in, ou encore la poignée de main symbolique en 2019 entre le leader nord-coréen et Donald Trump. Mais elle a aussi connu des instants de grande tension, comme la fusillade d’un déserteur nord-coréen en 2017.

En 2023, les militaires ont été réarmés des deux côtés, mettant fin aux accords hérités de périodes plus apaisées. Une situation qui rappelle cruellement la persistance des divisions, un quart de siècle après la sortie de « JSA ». Park Chan-wook confie d’ailleurs qu’on lui demande souvent si le tournage s’est déroulé dans la vraie Zone de sécurité commune :

« Je réponds toujours en disant que si nous avions pu tourner sur le site réel, ce film n’aurait peut-être pas été nécessaire du tout. »

Une réflexion qui en dit long sur le pouvoir du cinéma à interroger le réel et à faire évoluer les mentalités. En osant mettre en scène une amitié interdite par-delà les frontières, Park Chan-wook a signé une œuvre visionnaire et émouvante, dont la portée dépasse largement le cadre de la péninsule coréenne. Un message d’espoir et d’humanité qui résonne encore aujourd’hui, dans un monde où les murs semblent parfois plus hauts que jamais.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.