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Un village roumain séduit par l’extrême droite

Dans le village roumain de Mihai Viteazu, les habitants ont massivement voté pour l'extrême droite aux dernières élections. Un choix motivé par des valeurs conservatrices et un ras-le-bol du système politique en place. Mais derrière ce vote, se cache aussi...

Au cœur de la Roumanie, le petit village de Mihai Viteazu a surpris par ses résultats aux dernières élections législatives et présidentielles. Avec près de 65% des voix pour les partis d’extrême droite, dont 45,5% pour le candidat nationaliste Calin Georgescu, cette commune rurale de 3000 habitants a affiché l’un des scores les plus élevés du pays pour ce courant politique. Un résultat qui reflète un mélange de valeurs conservatrices, de ras-le-bol envers les partis traditionnels et d’espoir de changement.

Un vote motivé par les valeurs traditionnelles et le rejet du système

Pour beaucoup d’habitants de Mihai Viteazu, voter pour l’extrême droite était un choix naturel, en phase avec leurs convictions. « Ce qui me plaît chez Calin Georgescu, c’est sa foi chrétienne et ses valeurs conservatrices », confie Mihai Filip, un vendeur de 55 ans. Méfiant envers les évolutions sociétales, il s’inquiète notamment d’une possible légalisation du mariage homosexuel portée selon lui par la candidate adverse Elena Lasconi.

Au-delà de cet ancrage dans la tradition, le vote traduit aussi un profond rejet des partis au pouvoir, jugés responsables des difficultés du pays. « Les partis nous ont trompés et menti », accuse Ciprian Gavrila, entrepreneur de 43 ans et membre du parti d’extrême droite SOS Roumanie. Face à la cherté de la vie et aux faibles salaires, beaucoup veulent croire en un homme providentiel capable de redresser le pays.

Calin Georgescu, le candidat anti-système

Ancien haut fonctionnaire de 62 ans, Calin Georgescu s’est fait connaître sur les réseaux sociaux avec un discours nationaliste « Roumanie d’abord ». Critique envers l’OTAN et admirateur par le passé de Vladimir Poutine, il inquiète les capitales occidentales. Mais dans le village, on minimise ses accointances russes. « Il se soucie avant tout des Roumains », assure M. Filip.

Présenté comme un homme intègre contrairement aux élites, Calin Georgescu séduit aussi par sa stature. « On n’a pas besoin d’une femme pour nous gouverner mais d’un homme capable de bien nous mener », tranche le vendeur, dans une allusion machiste à la candidate adverse. Un positionnement viril qui rappelle celui de Donald Trump, souvent cité en référence.

L’envie de changement l’emporte sur les inquiétudes

Si certains s’inquiètent des positions anti-occidentales de leur champion, beaucoup veulent croire que seul un changement radical peut sortir le pays de l’ornière. « Pourquoi ne pas essayer pour voir comment il s’en sort ? », s’interroge M. Gavrila, las des mêmes partis au pouvoir depuis des années.

La proximité de l’Ukraine en guerre, à moins de 100km, ne semble pas freiner les ardeurs. Malgré le soutien crucial de l’OTAN qui dispose d’une base dans la région, le rejet du « système » l’emporte. « Tout le monde dit qu’il est avec les Russes mais je vote quand même pour lui car c’est un homme », assume Marian Popa Romel, ouvrier de 56 ans.

Colère sociale et déception politique

Au-delà des clivages géopolitiques, c’est bien la situation intérieure qui motive le vote contestataire des villageois. Entrepreneur accablé par les impôts et déçu par le manque de soutien de l’État, Ciprian Gavrila veut croire en un candidat « anti-système ». Un vote qui traduit aussi un malaise social profond dans un des pays les plus pauvres de l’UE.

Les partis au pouvoir nous ont trompés et menti.

Ciprian Gavrila, entrepreneur et membre du parti SOS Roumanie

Pour le maire libéral du village Adrian Costache, ce succès de l’extrême droite est le symptôme d’une profonde crise de confiance envers les élites jugées déconnectées. Un terreau fertile pour les discours populistes et radicaux, qui promettent un changement salvateur quitte à remettre en cause les alliances traditionnelles du pays.

Un vote plus conservateur qu’eurosceptique ?

Malgré ce plébiscite pour un candidat aux accents anti-européens, les analystes se veulent rassurants. Pour le politologue Marius Ghincea, ce vote reflète avant tout le « traditionalisme de la société roumaine » et un « vote protestataire » plus qu’un rejet de l’Europe. Un constat partagé par les habitants, qui voient dans ce scrutin l’expression d’une soif de changement et de valeurs conservatrices.

Mais ce succès inattendu interroge sur la solidité de l’ancrage européen de la Roumanie. Dans un contexte géopolitique tendu, la tentation du repli identitaire et souverainiste semble gagner du terrain, même au sein de l’UE. Un avertissement pour les élites, sommées de répondre aux attentes d’une population en quête de perspectives et de protections.

Un second tour décisif pour l’avenir du pays

Arrivé largement en tête au premier tour avec près de 23% au niveau national, Calin Georgescu affrontera dimanche la candidate centriste Elena Lasconi. Un scrutin aux allures de référendum sur l’orientation future du pays, entre tentation nationaliste et ancrage occidental. Dans le village de Mihai Viteazu, beaucoup espèrent une victoire de leur champion pour incarner ce « changement » tant attendu.

Mais au-delà de l’issue du scrutin, ce succès surprise de l’extrême droite interroge sur les fractures qui traversent la société roumaine. Entre malaise social, rejet des élites et tentation du repli, le pays semble à la croisée des chemins. Un défi pour la classe politique, sommée de répondre aux attentes d’une population en quête de perspectives et de reconnaissance.

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