L’Indonésie, pays abritant la troisième plus grande forêt tropicale au monde, se retrouve aujourd’hui sous le feu des critiques. Un ambitieux projet gouvernemental visant à convertir pas moins de 20 millions d’hectares de forêt en réserves alimentaires et énergétiques suscite l’indignation des organisations de protection de l’environnement. Ces dernières dénoncent un plan « illogique et destructeur » qui risque de porter un coup fatal à la biodiversité unique de l’archipel.
Un projet de grande envergure qui inquiète
Récemment dévoilé par le ministre indonésien des Forêts, Raja Juli Antoni, ce vaste programme prévoit de transformer des millions d’hectares de zones forestières en terres agricoles et en plantations destinées à renforcer l’autosuffisance alimentaire et énergétique du pays. Selon les autorités, 1,1 million d’hectares pourraient ainsi être consacrés à la culture du riz, permettant de produire jusqu’à 3,5 millions de tonnes par an, soit l’équivalent des importations totales de riz de l’Indonésie en 2023.
Mais ce n’est pas tout. Le gouvernement envisage également de planter des palmiers à sucre sur ces terres converties, afin de produire du bioéthanol. Une stratégie qui s’inscrit dans l’objectif du président Prabowo Subianto d’accroître l’utilisation des biocarburants en Indonésie et de réduire ainsi la dépendance du pays aux importations de carburant.
Une menace pour les forêts et la biodiversité
Si le gouvernement y voit une opportunité de renforcer la sécurité alimentaire et énergétique de l’archipel, les ONG environnementales, elles, tirent la sonnette d’alarme. Selon la Clean Transition Coalition, qui regroupe plusieurs organisations, ce projet titanesque, qui concernera une superficie près de deux fois plus grande que l’île de Java, va à l’encontre des objectifs affichés.
Le projet de convertir 20 millions d’hectares de terres augmente considérablement le risque d’expansion de l’huile de palme
Achmad Surambo, directeur exécutif de Sawit Watch
D’après les recherches menées par Satya Bumi, autre ONG environnementale, les plantations de palmiers à huile couvrent déjà 17,77 millions d’hectares dans tout l’archipel indonésien. Une expansion massive de ces cultures au détriment des forêts pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la biodiversité et les écosystèmes fragiles du pays.
Le gouvernement se veut rassurant
Face à la levée de boucliers, le ministre des Forêts a tenté de calmer le jeu, assurant que le projet ne supprimerait pas la forêt mais « maximiserait » sa fonction à travers un système agroforestier. Le gouvernement a également précisé qu’il ciblerait en priorité les terres déjà concédées dans le cadre de concessions plutôt que les forêts vierges.
Des arguments qui peinent à convaincre les défenseurs de l’environnement. Pour eux, même une conversion massive de terres agricoles existantes pour des cultures d’exportation serait préjudiciable. Ils appellent le gouvernement à plutôt se concentrer sur l’optimisation des terres agricoles existantes, le respect des droits des peuples autochtones et la mise en œuvre d’une véritable réforme agraire.
L’Indonésie à la croisée des chemins
Ce projet controversé place l’Indonésie face à un choix crucial : privilégier le développement économique à court terme ou préserver son patrimoine naturel inestimable. Avec une croissance démographique soutenue et des besoins énergétiques croissants, le pays est sous pression pour trouver des solutions. Mais à quel prix pour son environnement et les générations futures ?
Les prochains mois seront décisifs. Le gouvernement indonésien parviendra-t-il à rassurer sur ses intentions et à proposer un plan de développement durable conciliant impératifs économiques et préservation des forêts ? C’est tout l’enjeu du débat qui s’ouvre et que la communauté internationale suivra avec attention. Car ce qui se joue en Indonésie, c’est aussi l’avenir d’une partie non négligeable des dernières grandes forêts tropicales de la planète.