Imaginez rentrer chez vous après 21 ans enfermé dans une geôle syrienne, la moitié des dents en moins, le corps meurtri par les coups et l’esprit hanté par des images d’horreur. C’est le calvaire vécu par Mehmet Ertürk, un Turc qui pensait ne jamais revoir les siens.
Un enfer carcéral sous le joug d’Assad
Arrêté en 2004 pour contrebande, Mehmet a croupi dans les pires geôles du régime syrien. D’après une source proche du dossier, il a subi « torture sur torture » à la tristement célèbre prison de la Branche Palestine à Damas. Les gardiens prenaient un malin plaisir à rouer de coups les détenus, allant jusqu’à leur écraser les dents à coups de matraque. La nourriture infestée de cafards, l’humidité, la puanteur des toilettes, Mehmet a vécu « comme dans un cercueil » pendant des années.
Des traitements d’une cruauté inouïe
Entassés à plus de 100 dans des cellules prévues pour 20, les prisonniers subissaient des sévices d’une cruauté inimaginable. Privés de vêtements, d’eau, de nourriture, beaucoup sont morts de faim. Les survivants comme Mehmet gardent à jamais les stigmates de la barbarie : membres déformés par les coups, brûlures à l’eau bouillante, traces de chaînes aux chevilles. Certains détenus en arrivaient à souhaiter la pendaison pour abréger leurs souffrances.
Une haine exacerbée contre les Turcs
En tant que Turc, Mehmet dit avoir subi un acharnement particulier, le régime syrien vouant une haine tenace au président Erdogan qui exhortait Assad à quitter le pouvoir. Privé de médicaments en raison de sa nationalité, il s’est vu infliger des sévices supplémentaires. Un acharnement confirmé par de nombreux témoignages de prisonniers turcs.
Nous, les Turcs, avons été beaucoup torturés à cause de ça.
Mehmet Ertürk, rescapé des prisons syriennes
La mort comme quotidien en détention
Selon Mehmet, la mort faisait partie du quotidien en prison. Les gardiens « jetaient les morts dans des bennes à ordures » comme de vulgaires déchets. Son ami d’infortune Faruk Karga, arrêté en même temps que lui, n’a pas survécu, succombant à la faim vers 2018. Plus de 100 000 personnes auraient ainsi péri dans les prisons du régime depuis 2011 d’après l’OSDH.
Une libération inespérée et des retrouvailles poignantes
Condamné à 15 ans, Mehmet aura finalement passé près de 21 ans derrière les barreaux. Lorsque les rebelles anti-Assad ont pris d’assaut sa prison en mars dernier, il a d’abord cru sa dernière heure arrivée. C’est finalement la liberté qui l’attendait au bout de ce cauchemar. De retour dans son village de Turquie, l’ex-détenu a retrouvé une famille qui le croyait mort depuis longtemps, dont une fille qui n’était qu’un bébé à son départ. Des retrouvailles chargées d’émotion pour cet homme brisé qui doit réapprendre à vivre.
La terrible épreuve traversée par Mehmet Ertürk met en lumière l’horreur du système carcéral syrien et les exactions perpétrées par le régime du dictateur Assad. Son histoire est malheureusement loin d’être un cas isolé et démontre l’urgence de réclamer des comptes aux bourreaux de Damas. Si les mots peinent à décrire l’indicible, son témoignage nous rappelle le devoir de ne pas détourner le regard face à la barbarie.