Les représentants de 178 pays sont actuellement réunis à Busan en Corée du Sud avec un objectif ambitieux : s’accorder d’ici dimanche sur le texte d’un premier traité international visant à éliminer la pollution plastique au niveau mondial. Un défi de taille au vu des profondes divergences qui subsistent entre les parties prenantes.
Consensus ou majorité : quel mode de décision ?
Le premier point d’achoppement concerne les modalités d’adoption des décisions dans le cadre de ce futur traité. Faut-il procéder par consensus comme c’est l’usage dans les accords multilatéraux onusiens, avec le risque de paralysie que cela comporte ? Ou autoriser un vote à la majorité pour accélérer le processus, quitte à mécontenter certains pays ? La question divise et n’est toujours pas tranchée.
A cause du processus de décision au consensus, les pays pétroliers pourraient faire échouer tout accord final.
Bjorn Beeler, directeur exécutif de l’ONG IPEN
Réduire la production de plastique : un sujet qui fâche
Autre pomme de discorde : faut-il inscrire dans le traité des objectifs contraignants de réduction de la production de plastique, en particulier les plastiques à usage unique jugés non essentiels ? Si une coalition d’une trentaine de pays emmenée par le Rwanda et la Norvège le réclame, un groupe d’une vingtaine d’États comprenant de grands producteurs de pétrole comme l’Arabie Saoudite, la Russie et l’Iran s’y oppose farouchement.
Ces derniers plaident pour que chaque pays définisse ses propres objectifs sur une base volontaire et mettent en avant la nécessité d’un traité qui « équilibre la protection de l’environnement et le développement social et économique ». Une vision aux antipodes de celle des défenseurs d’un accord ambitieux et contraignant.
Bannir les produits chimiques dangereux : un casse-tête
La question des produits chimiques problématiques contenus dans les plastiques constitue un autre point de friction. La « coalition de la haute ambition » souhaite que le traité permette de réduire ou supprimer les substances jugées dangereuses pour la santé, sur la base de critères scientifiques. Mais cette approche est rejetée par d’autres pays ainsi que par l’industrie pétrochimique.
Cette dernière argue qu’il existe déjà des réglementations internationales et nationales sur le sujet, comme REACH en Europe, et qu’un traité mondial ne devrait pas les dupliquer. Un point de vue contesté par les ONG.
Qui va payer ? Le nerf de la guerre
Mettre en œuvre un tel traité aura un coût, notamment pour organiser la collecte, le tri et le recyclage des déchets plastiques. Or, la plupart des pays en développement n’ont pas les moyens de le financer seuls. L’Inde et d’autres réclament donc la création d’un fonds multilatéral dédié, arguant que les pays riches ont « historiquement bénéficié de la production de plastique » et ont donc la responsabilité de soutenir financièrement les plus pauvres.
Mais les pays développés traînent des pieds, soulignant que la majeure partie de la production plastique mondiale vient désormais de pays émergents comme la Chine. La question du financement s’annonce comme l’un des principaux points de blocage des négociations.
Des règles mondiales ou des politiques nationales ?
Enfin, la portée même du futur traité fait débat : doit-il instituer des standards mondiaux contraignants s’imposant à tous les pays ou se contenter de fixer un cadre que chaque État déclinera ensuite à sa guise dans sa politique nationale ? L’Union européenne a d’ores et déjà prévenu qu’elle ne soutiendrait pas un accord se limitant à des engagements à la carte.
Mais d’autres pays jugent irréaliste d’imposer les mêmes règles à tous, arguant des différences de niveau de développement et de croissance économique. Un clivage Nord-Sud classique mais qui pourrait compromettre l’ambition du traité.
Au vu de tous ces points de divergence, parvenir à un accord ambitieux et contraignant à Busan s’annonce très compliqué. Beaucoup craignent un texte final au rabais, qui se contenterait du plus petit dénominateur commun sans répondre à l’urgence de la crise du plastique. Les prochains jours s’annoncent décisifs pour l’avenir de la planète et de nos océans.