Ils sont restés enfermés dans une boîte à chaussures pendant des décennies. Trop douloureux, trop effrayants pour être affrontés. Mais 80 ans après la Libération, les cahiers d’Alter Fajnzylberg, membre des tristement célèbres « Sonderkommandos » à Auschwitz, voient enfin le jour. Un témoignage rare et poignant sur l’horreur des camps nazis, mais aussi sur l’incroyable résilience de ceux qui y ont survécu.
L’Enfer des Sonderkommandos
Né en Pologne en 1911 dans une famille juive, Alter Fajnzylberg est déporté à Auschwitz en mars 1942 dans le premier convoi parti de France. Là-bas, il est affecté aux « Sonderkommandos », ces commandos spéciaux chargés de la sinistre besogne des chambres à gaz et des fours crématoires.
J’ai vu ici sur Terre un enfer spécial.
Alter Fajnzylberg dans ses cahiers
De juillet 1943 à janvier 1945, Alter Fajnzylberg vit un quotidien inimaginable, qu’il résume ainsi : « Le Sonderkommando s’occupait de brûler les corps des personnes gazées à Auschwitz ». Un travail « ignoble et inhumain », dans un camp où « plusieurs millions de personnes ont été brûlées sans être enregistrées ».
La Révolte du Sonderkommando
Alter Fajnzylberg raconte aussi son engagement dans la résistance au sein même d’Auschwitz et la révolte du Sonderkommando en octobre 1944. Un épisode héroïque mais méconnu, où une poignée de détenus parvinrent à détruire un crématoire avant d’être massacrés. Il survivra par miracle aux exécutions qui suivront.
Une révolte immortalisée par 4 photos clandestines, longtemps restées anonymes. Alter Fajnzylberg révèle qu’elles ont été prises par lui-même et ses camarades, attribuant la paternité des clichés au déporté grec Alberto Errera. Des images devenues les symboles photographiques de la Shoah.
Un Destin Hors du Commun
Avant même sa déportation, Alter Fajnzylberg avait déjà eu une vie exceptionnelle. Engagé dans les Brigades internationales pendant la guerre d’Espagne, il luttera contre le fascisme jusqu’à son dernier souffle. Il parviendra finalement à s’évader d’Auschwitz en janvier 1945 lors de l’évacuation du camp.
Après la guerre, c’est à Paris qu’il trouvera refuge, sans pour autant trouver la paix. Ses souvenirs douloureux, il les couchera sur le papier dans 4 cahiers, sorte d’exutoire et de devoir de mémoire. « Qui se souviendra d’eux, sinon moi? » écrit-il, parlant des victimes de l’extermination nazie.
Un Témoin Capital
Publiés 80 ans après sous le titre « Ce que j’ai vu à Auschwitz – Les Cahiers d’Alter« , ces témoignages s’ajoutent au corpus très restreint des récits de Sonderkommandos, régulièrement éliminés par les nazis pour effacer les traces de la Solution finale.
Alter Fajnzylberg, lui, aura survécu. Pour raconter, pour ne pas oublier. Pour qu’Auschwitz ne soit jamais qu’un lointain souvenir, mais reste à jamais gravé dans nos mémoires comme le symbole de la barbarie dont l’homme est capable. Et aussi comme le symbole de ceux qui, dans les ténèbres les plus noires, ont su garder leur humanité et leur dignité.