Préparez-vous à rire aux éclats devant Le Suicidé, une pièce écrite en 1928 par le dramaturge russe Nicolaï Erdman, qui fait son entrée fracassante au répertoire de la prestigieuse Comédie-Française. Mis en scène avec brio par Stéphane Varupenne, ce chef-d’œuvre burlesque, longtemps censuré en URSS, ressuscite pour notre plus grand plaisir sur les planches du Français.
Une scénographie époustouflante signée Éric Ruf
Dès les premières minutes, le décor imaginé par le magicien Éric Ruf nous bluffe par son côté aussi décati que les âmes qui le traversent. Apparaissant dans toute sa splendeur délabrée après un début de spectacle dans l’obscurité d’une chambre, il donne immédiatement le ton de cette comédie hautement burlesque.
Jérémy Lopez et Adeline d’Hermy, duo explosif
Interprété avec une débauche d’énergie par Jérémy Lopez, Sémione, le personnage principal, s’étripe avec sa femme Macha, jouée par l’élastique Adeline d’Hermy, au sujet d’un morceau de saucisson. Un échange verbal d’une drôlerie irrésistible qui lance parfaitement cette pièce déjantée :
Macha, ce que j’aurais voulu te demander, c’est… Est-ce qu’il reste du saucisson ?
– Sémione à Macha
Pendant plus de deux heures, on suit avec délectation les déboires existentiels de Sémione, un chômeur désespéré qui envisage de mettre fin à ses jours. Mais en faisant part de ses velléités suicidaires, il devient malgré lui le jouet de diverses factions (intelligentsia, armée, clergé…) qui veulent récupérer son geste à des fins politiques.
Une satire grinçante de l’imposture au suicide
À travers un humour corrosif et des situations absurdes, Erdman épingle avec un sens aigu de la formule l’hypocrisie d’une société gangrénée par l’idéologie et la propagande. Chacun cherche à instrumentaliser la mort annoncée de Sémione, lui promettant monts et merveilles pour son “sacrifice” en faveur de la cause.
Ce qu’un vivant peut penser, seul un mort peut le dire.
– Phrase clé de la pièce
Grâce à une direction d’acteurs virtuose, Stéphane Varupenne parvient à ne jamais tomber dans la caricature, maintenant du début à la fin un rythme endiablé et une subtile alchimie entre farce et tragédie. Chaque comédien excelle dans des compositions hautes en couleur, exploitant à merveille la force subversive du texte.
Un chef-d’œuvre enfin révélé au public
Interdite par Staline, la pièce a failli disparaître corps et bien. Près d’un siècle plus tard, la Comédie-Française lui offre une résurrection en fanfare. Et quel bonheur de découvrir enfin ce bijou méconnu du répertoire russe ! Un texte d’une modernité sidérante qui résonne singulièrement avec notre époque.
En brossant le portrait au vitriol d’une société malade de ses contradictions, où les idéaux sont dévoyés et l’être humain broyé, Nicolaï Erdman signe une œuvre universelle qui n’a pas pris une ride. Portée par une troupe soudée et investie, cette production éblouissante rend justice à toute la richesse de la pièce, entre éclats de rire et réflexion acerbe sur la manipulation des consciences.
Une comédie humaine déchirante et désopilante, servie par des comédiens habités.
Nul doute que cette aventure théâtrale, aussi jubilatoire qu’édifiante, marquera durablement les esprits. Le Suicidé s’impose d’ores et déjà comme l’un des événements immanquables de la saison. Courez découvrir cet incontournable chef-d’œuvre !
