Un procès inhabituel se tient ce vendredi au tribunal judiciaire de Troyes. Frédéric Mahaut, pisciculteur dans les Ardennes, comparaît pour avoir utilisé un insecticide interdit, le carbofuran, dans le but d’éliminer des cormorans. Ces oiseaux piscivores, en forte expansion depuis leur protection en 2009, menacent l’équilibre économique des piscicultures.
Les cormorans, un fléau pour la pisciculture française
Avec une population qui a bondi de 50% en 25 ans pour atteindre 120 000 individus, les cormorans exercent une pression croissante sur les exploitations piscicoles françaises. Grands consommateurs de poissons d’élevage comme les carpes, les tanches ou les brochets, ils peuvent engloutir jusqu’à 500 grammes de poisson par jour. Un manque à gagner conséquent pour les pisciculteurs.
Les cormorans me pillent annuellement l’équivalent d’un cinquième de mon chiffre d’affaires.
Frédéric Mahaut, pisciculteur ardennais
Face à ce préjudice, certains professionnels sont tentés de recourir à des méthodes radicales mais illégales pour protéger leurs élevages, comme l’utilisation de pesticides puissants. C’est ce qu’a fait le prévenu, en dissimulant du carbofuran, un insecticide interdit depuis 2008, dans des poissons morts pour attirer et empoisonner les cormorans.
Un acte de désespoir qui divise
Si les faits sont avérés, ils soulèvent la question du désarroi des pisciculteurs face à un problème qui menace leur survie économique. Plusieurs centaines de personnes, pisciculteurs, pêcheurs et sympathisants, sont attendues à Troyes pour manifester leur soutien à l’accusé.
De leur côté, les associations de protection de la nature condamnent fermement ces pratiques et réclament des sanctions exemplaires. Elles pointent des solutions alternatives comme l’effarouchement ou la pose de filets de protection.
Vers un nécessaire équilibre
Au-delà de la culpabilité individuelle, ce procès met en lumière les limites du système actuel de régulation des cormorans et la nécessité de trouver un équilibre entre protection de la biodiversité et viabilité économique des élevages piscicoles.
Des dérogations permettent d’ores et déjà d’abattre une partie des cormorans, mais elles sont jugées insuffisantes et trop complexes par la filière. Une meilleure prise en compte des dégâts et un assouplissement des procédures sont réclamés.
Le jugement très attendu du tribunal de Troyes constituera un premier élément de réponse face à ce défi. Mais il ne réglera pas à lui seul l’épineuse question de la cohabitation entre l’Homme et une espèce protégée devenue localement surabondante.