C’est un transfert très attendu qui vient de s’opérer à la prison de Gradignan en Gironde. Pas moins de 280 détenus ont en effet été déplacés vers le nouveau bâtiment pénitentiaire flambant neuf, dans l’espoir de soulager la surpopulation carcérale qui gangrène l’établissement depuis des années. Mais cette opération suffira-t-elle à mettre fin durablement aux conditions de détention jugées « indignes » par les autorités de contrôle ?
Une prison à bout de souffle
Avec plus du double de sa capacité d’accueil théorique, la maison d’arrêt de Gradignan fait figure de symbole de la crise des prisons françaises. Vétuste, surpeuplée, gangrénée par les violences, les trafics et les suicides, elle a été épinglée à de multiples reprises pour ses conditions de détention déplorables :
- Des cellules surpeuplées jusqu’à 3 détenus pour 9m2
- Des douches et sanitaires hors d’usage
- Un manque criant d’activités et de travail
- Des tensions permanentes entre détenus et avec le personnel
C’est une bonne nouvelle, car cette ouverture on l’attendait depuis une bonne vingtaine d’années
– Hubert Gratraud, délégué syndical FO à Gradignan
602 places flambant neuves
Pour tenter de remédier à cette situation explosive, un chantier pharaonique a été lancé en 2021 : la construction d’une nouvelle prison de 602 places, censée accueillir les détenus dans des conditions dignes et permettre la destruction des bâtiments les plus vétustes. Près de deux ans plus tard, la première étape vient d’être franchie avec le transfert de 280 prisonniers.
Cette nouvelle maison d’arrêt dispose d’équipements modernes comme des douches en cellule, des espaces de promenade et d’activités plus vastes. De quoi améliorer significativement le quotidien des détenus et des surveillants. Mais à terme, elle a vocation à accueillir jusqu’à 1200 pensionnaires, soit bien plus que le nombre de places individuelles prévues…
Le début d’un long processus
Ce transfert n’est que la première étape d’un déménagement complet qui doit s’achever en 2027. D’ici là, les travaux vont se poursuivre pour détruire progressivement les anciens bâtiments insalubres et les remplacer par de nouvelles structures.
Mais la construction de nouvelles places, aussi indispensable soit-elle, ne suffira pas à elle seule à régler les maux chroniques qui minent la prison de Gradignan et les établissements pénitentiaires français en général :
- Un taux d’occupation moyen supérieur à 120%
- Un manque criant de personnel et de moyens
- Des conditions de réinsertion insuffisantes
- Une surreprésentation des malades psychiatriques
On va choisir les détenus qu’on y met car vu que la prison n’est pas totalement finie, on ne va pas y mettre des gens qui ont 25 ans à faire.
– Un surveillant de Gradignan
Une politique carcérale à repenser
Au-delà des murs, c’est donc toute la politique pénitentiaire française qu’il faudrait requestionner pour sortir de l’engrenage de la surpopulation, de la violence et de la récidive. Repenser les peines alternatives à la détention, renforcer les moyens de la réinsertion, prévenir les passages à l’acte…
Autant de chantiers titanesques qui nécessiteront une volonté politique sur le long terme. En attendant, le transfert des détenus de Gradignan offre un peu de répit à une prison à bout de souffle. Mais il faudra plus que des murs neufs pour venir à bout du fléau de la surpopulation carcérale.