Sept ans après l’attentat islamiste qui a décimé la rédaction de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, les hommages aux victimes ne cessent de se multiplier. Parmi eux, le documentaire intime « Je ne veux plus y aller maman » d’Antonio Fischetti sort du lot par son approche singulière et émouvante.
Un journaliste scientifique face à son traumatisme
Antonio Fischetti est le journaliste scientifique de Charlie Hebdo depuis 1997. Le 7 janvier 2015, il échappe de peu à la mort mais perd de nombreux amis et collègues dans l’attentat terroriste. Profondément bouleversé, il peine depuis à trouver sa place et les bons mots pour leur rendre hommage. C’est toute la trame de son documentaire « Je ne veux plus y aller maman ».
Avec une candeur touchante, Fischetti se livre et s’interroge à voix haute sur la meilleure façon d’honorer la mémoire de ses camarades disparus. Sa légitimité même à le faire est questionnée. Des doutes dont il fait le moteur de sa quête intime et de son film.
D’innombrables souvenirs et archives
Pour alimenter sa réflexion, le journaliste fouille dans ses souvenirs et archives. Photos, anciens numéros de Charlie Hebdo, il cherche les traces de ses amis. Une interview vidéo d’Elsa Cayat, la psychiatre et chroniqueuse de l’hebdo tuée le 7 janvier, le marque particulièrement. Elle y parle avec lui de prostitution, de sexualité, du sacré.
C’est une archive que je chéris, confie Fischetti avec émotion.
Au fil du documentaire, l’approche toute personnelle d’Antonio Fischetti s’affirme. Sans prétention ni esprit de sérieux, il avance au rythme de ses doutes et interrogations. Une candeur qui le rend touchant et son film sincère et intime, à l’image du lien qui l’unissait à ses collègues de Charlie.
Un hommage à sa manière
Entre le livre « Le Lambeau » de Philippe Lançon (2018) et le récent « Charlie Liberté » de Riss, directeur de la publication, la place n’était pas évidente à trouver pour Fischetti. Mais c’est justement dans sa façon unique, toute en retenue et en questionnements, qu’il parvient à toucher.
Sans gravité ni prétention, il rend un hommage émouvant à ses amis, tel qu’il est. Un documentaire à son image, celle d’un homme profondément endeuillé cherchant à se reconstruire. Les doutes de Fischetti deviennent sa force et donnent à son film une authenticité bouleversante.
Je voulais trouver ma place, entre Le Lambeau et Charlie Liberté. Je ne savais pas comment, ni si j’en étais seulement légitime. Mais je leur devais cet hommage.
– Antonio Fischetti
Pari réussi pour Antonio Fischetti qui signe avec « Je ne veux plus y aller maman » un documentaire poignant, intime et universel sur le deuil et la mémoire. Un témoignage précieux, sept ans après le traumatisme, sur la façon unique dont chacun fait face à la perte d’êtres chers.