Il y a un an, le meurtre de Thomas, un jeune de Romans-sur-Isère dans la Drôme, bouleversait profondément les habitants du village de Crépol et du quartier populaire de la Monnaie. Mais au-delà du chagrin, c’est surtout la récupération politique de ce drame par l’extrême droite qui a laissé des traces indélébiles.
Hafid, 50 ans, technicien informatique au centre hospitalier de Valence, connaît ce quartier comme sa poche. Né et grandi ici avant de partir puis de revenir par attachement, il n’y va pas par quatre chemins pour évoquer cet événement traumatisant :
Quand j’ai appris ce qui s’est passé, j’étais effondré et révolté. C’est un jeune de chez nous, je ne fais aucune différence avec ceux du quartier. Sauf qu’on nous a privés de notre deuil pour nous désigner comme des coupables.
Hafid, habitant du quartier de la Monnaie
L’extrême droite déverse son fiel
Quand il dit “on”, Hafid vise “les fachos de la France entière”. Ces derniers se sont “emparés de l’antenne” pour déverser leur fiel contre l’immigration, amalgamant sans vergogne ce fait divers tragique avec leurs obsessions identitaires.
Dans un département déjà fragilisé, avec un taux de chômage de 8,2% contre 6,4% pour le reste de la région, ces discours stigmatisants ne font qu’attiser les tensions et les peurs. Moussa, un autre habitant, déplore cette situation :
C’est malheureux, le monde extérieur ne veut pas les connaître et eux s’en méfient au point d’avoir parfois un couteau sur eux.
Moussa, résident du quartier
Privés du travail de deuil
Cette récupération nauséabonde prive tout un quartier de son droit légitime au chagrin et au recueillement. Elle nie la complexité d’une situation où se mêlent difficultés socio-économiques, déficit d’intégration et manque cruel de perspectives pour une partie de la jeunesse.
Au lieu d’un examen de conscience collectif et d’une mobilisation pour retisser le lien social, on assiste à une exploitation éhontée de la souffrance. Les conséquences sont prévisibles : renforcement des préjugés, crispation identitaire, rupture du dialogue.
Pour une approche globale et apaisée
Face à ce déferlement de haine, il est urgent de renouer le fil du vivre-ensemble. Cela passe par des politiques ambitieuses en matière d’éducation, de formation et d’emploi, en particulier pour les jeunes issus des quartiers populaires.
Plutôt que le repli et la stigmatisation, c’est d’ouverture et de main tendue dont nous avons besoin. L’attachement d’Hafid à ses racines malgré les épreuves montre qu’un autre chemin est possible, à condition de regarder la réalité en face, dans toute sa complexité.
Un an après ce drame qui a endeuillé Romans-sur-Isère, il est temps de retenir les leçons. Refuser la récupération. Ecouter la parole des habitants. Construire des ponts plutôt que des murs. C’est à ce prix que la cohésion de notre société pourra être préservée et renforcée, pour le bien de tous.