En Iran, un simple geste d’affection envers une fan de football peut avoir de lourdes conséquences. C’est ce que risque de découvrir à ses dépens Ramin Rezaeian, défenseur de l’équipe nationale iranienne. Avant un match de championnat jeudi dernier, le joueur a été filmé en train de serrer chaleureusement dans ses bras une supportrice venue l’encourager. Un geste anodin dans la plupart des pays, mais strictement interdit en République Islamique d’Iran, où la loi interdit tout contact physique entre un homme et une femme hors du cercle familial.
Un joueur convoqué par le comité d’éthique
Suite à cet incident, Ramin Rezaeian a été convoqué par le comité d’éthique de la Fédération iranienne de football. Selon l’agence de presse Tasnim, le joueur de 34 ans, qui évolue au poste de latéral droit, risque une lourde sanction pour son comportement jugé inapproprié. La fédération n’a pas encore communiqué officiellement sur cette affaire, mais une source proche du dossier affirme que le joueur pourrait écoper d’une suspension de plusieurs mois, voire d’une amende salée.
Une loi controversée sur la place des femmes
Ce n’est pas la première fois qu’un footballeur iranien se retrouve dans la tourmente pour avoir eu un geste de sympathie envers une supportrice. En avril dernier, le gardien de but Hossein Hosseini avait lui aussi été suspendu et condamné à une lourde amende pour avoir enlacé une fan lors d’un match. Des sanctions qui mettent en lumière la rigidité des lois islamiques en vigueur en Iran depuis la Révolution de 1979, notamment en ce qui concerne la place des femmes dans l’espace public.
En Iran, les femmes n’ont eu le droit d’assister aux matchs de football dans les stades que très récemment, et sous certaines conditions strictes comme être accompagnées de leur mari. Malgré quelques avancées, l’égalité est encore loin d’être acquise.
Une militante iranienne des droits des femmes
Un geste qui passe mal, malgré le soutien des fans
Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes iraniens ont exprimé leur soutien à Ramin Rezaeian, estimant que son geste n’avait rien de répréhensible. Beaucoup y voient le signe d’une société iranienne qui aspire à plus de liberté et d’ouverture, en décalage avec les lois rigides imposées par le régime des mollahs. Mais les autorités religieuses, qui exercent un contrôle étroit sur le monde du sport, ne l’entendent pas de cette oreille.
- Pour elles, le respect des principes islamiques prime sur tout, y compris sur le terrain de football.
- Certains dignitaires religieux n’hésitent pas à qualifier le geste de Rezaeian d’atteinte à l’honneur et à la morale.
- Ils y voient une influence néfaste de l’Occident et appellent à des sanctions exemplaires.
Reste à savoir si la fédération iranienne suivra ces recommandations, au risque de s’attirer les foudres d’une partie de l’opinion et des joueurs eux-mêmes. Ramin Rezaeian, qui compte plus de 60 sélections avec l’équipe nationale, est une figure respectée du football iranien. Sa suspension serait un coup dur pour une équipe qui rêve de bien figurer lors de la prochaine Coupe du Monde 2026.
Un débat qui dépasse le cadre du sport
Au-delà du cas particulier de Ramin Rezaeian, cette affaire remet sur le devant de la scène le débat sur la place des femmes dans la société iranienne. Malgré quelques avancées ces dernières années, comme le droit d’assister à certains matchs dans des tribunaux séparés, les Iraniennes restent soumises à de nombreuses restrictions et discriminations au nom de la loi islamique. Le port du voile est obligatoire dans l’espace public, et les contacts entre hommes et femmes étroitement encadrés.
Le football est le reflet de la société. Tant que les femmes ne seront pas considérées comme des citoyennes à part entière en Iran, avec les mêmes droits et libertés que les hommes, ce genre d’incidents continuera de se produire.
Ali Karimi, ancien joueur de l’équipe nationale iranienne
Pour beaucoup d’observateurs, l’Iran doit engager des réformes profondes s’il veut réellement s’ouvrir au monde et moderniser sa société. Le monde du sport, et du football en particulier, pourrait jouer un rôle moteur dans cette évolution, en bousculant les lignes et en portant des valeurs d’égalité et de respect. Mais le chemin semble encore long et semé d’embûches, comme le montre l’affaire Ramin Rezaeian.
Les prochains mois nous diront si ce geste de tendresse anodin aura des conséquences durables pour le joueur et le football iranien. Une chose est sûre : il a remis au centre du jeu les contradictions d’un pays tiraillé entre traditions et aspirations à la modernité. Un sujet brûlant dont on est sans doute loin d’avoir fini d’entendre parler.
