Imaginez un instant : un ancien shérif américain contrôlant dans l’ombre plus de 150 sites de fake news pro-russes, répandant de fausses informations aux quatre coins des États-Unis. Impossible ? C’est pourtant bien ce que révèle un rapport accablant publié ce mercredi par NewsGuard, une société de surveillance des médias.
L’homme derrière le réseau : John Mark Dougan, ex-shérif exilé en Russie
Le personnage central de cette affaire digne d’un thriller hollywoodien n’est autre que John Mark Dougan, un ancien shérif adjoint du comté de Palm Beach en Floride. Après avoir démissionné en 2009 suite à des accusations de harcèlement sexuel, Dougan s’était lancé dans une campagne de dénonciation massive contre des officiels, publiant leurs adresses et de sordides allégations en ligne.
Menacé de poursuites par le FBI, il fuit aux États-Unis en 2016 pour trouver refuge ni plus ni moins qu’en Russie, où il obtient l’asile politique. Depuis, il se fait passer pour un journaliste dans le Donbass et intervient régulièrement sur les médias d’État russes.
150 sites de “vraies fausses nouvelles locales”
Le rapport de NewsGuard révèle que Dougan est lié à un vaste réseau de sites d’apparence légitime comme “DC Weekly”, “New York Daily News” ou encore “Boston Times”. Mais derrière cette façade se cache en réalité une machine à propager de la désinformation, avec de nombreux articles trompeurs sur la guerre en Ukraine.
Ces sites sont juste un des nombreux mécanismes utilisés pour diffuser ces narratifs.
– Darren Linvill, chercheur à l’Université de Clemson
Et les experts craignent que cette galaxie de la désinformation ne soit exploitée pour influencer l’élection présidentielle américaine de 2024. Certains articles publiés récemment sur ces sites relaient par exemple de fausses informations comme de supposées mises sur écoute du bureau de Donald Trump ou un complot de la CIA pour truquer le scrutin.
Des fake news de plus en plus sophistiquées grâce à l’IA
Le plus inquiétant ? Ces sites usent et abusent d’outils d’intelligence artificielle pour produire des contenus et rendre leurs narratifs crédibles. Un procédé redoutablement efficace, comme le souligne McKenzie Sadeghi de NewsGuard :
Entre de mauvaises mains, cette technologie peut être utilisée pour diffuser de la désinformation à grande échelle. C’est exactement ce à quoi on assiste avec ce réseau.
– McKenzie Sadeghi, NewsGuard
Des fausses informations qui se répandent ensuite comme une traînée de poudre, relayées par des influenceurs et bots pro-Kremlin jusqu’à être citées par des médias et personnalités politiques occidentales. De quoi semer le doute et la confusion dans les esprits.
Le mystère demeure sur les liens entre Dougan et la Russie
Quelle est exactement la nature du soutien russe dont bénéficie John Mark Dougan ? Le mystère reste entier à ce stade. Certains évoquent une possible supervision du gouvernement russe, d’autres des liens avec l’Internet Research Agency, l’ancienne “fabrique à trolls” de Poutine.
Contacté par les journalistes, Dougan nie en bloc, affirmant n’avoir “jamais entendu parler” de ces sites pourtant signés de sa patte. Le doute est plus que jamais permis sur les motivations réelles de cet Américain passé dans le camp russe…
Une chose est sûre : ce vaste réseau de désinformation illustre une nouvelle fois les tentatives d’ingérence de la Russie dans la vie démocratique américaine. Reste à savoir jusqu’où ira cette guerre de l’information 2.0 à l’approche de la prochaine échéance électorale outre-Atlantique.
