Un couple australien fait face à de graves accusations d’espionnage au profit de la Russie, dans une affaire qui ébranle les relations entre les deux pays et soulève des questions sur la sécurité nationale. La police fédérale australienne a annoncé vendredi avoir inculpé une femme de 40 ans et son mari de 62 ans pour « préparation d’un délit d’espionnage », un chef d’accusation passible de 15 ans de prison.
Une taupe russe dans l’armée australienne ?
Selon les enquêteurs, la suspecte, qui détient la double nationalité australienne et russe, travaillait depuis plusieurs années comme technicienne des systèmes d’information dans les forces armées australiennes. Lors d’un congé de longue durée, elle se serait rendue en Russie pour des voyages « non déclarés ». Pendant un de ces séjours, elle aurait expliqué à son mari comment accéder à distance à son compte professionnel militaire.
« Nous affirmons que son mari aurait accédé aux documents demandés et les aurait envoyés à sa femme en Russie, avec l’intention de les fournir aux autorités russes », a déclaré le commissaire de police Reece Kershaw lors d’une conférence de presse. Les enquêteurs cherchent encore à déterminer si ces informations sensibles ont effectivement été transmises à Moscou.
Le couple placé en détention
Arrêtés jeudi à leur domicile de Brisbane, les deux suspects ont comparu brièvement vendredi devant un tribunal. Ils ont été placés en détention provisoire dans l’attente d’une audience en septembre. Contactée, l’ambassade de Russie à Canberra n’a pas souhaité commenter l’affaire dans l’immédiat.
Si vous faites de l’espionnage dans ce pays, nous vous détecterons et nous nous occuperons de vous.
Mike Burgess, directeur de l’agence australienne de renseignements
Des failles dans le contrôle sécuritaire ?
Ce cas d’espionnage présumé au sein même de l’institution militaire soulève des questions sur l’efficacité des contrôles de sécurité. Mike Burgess, directeur de l’agence de renseignements ASIO, a reconnu que les background checks à l’embauche ne constituaient pas une garantie absolue contre les taupes.
« Tout dépend de ce que vous dites. Si vous remplissez les conditions pour une habilitation secret défense, vous l’obtiendrez », a-t-il noté, tout en assurant que le processus de sécurité était continu. Selon lui, cette affaire démontre au contraire « une culture de sécurité efficace » puisque les autorités ont pu « intervenir et contrôler cette opération ».
Un appel aux espions russes
Mike Burgess a par ailleurs lancé un appel aux agents russes en poste pour qu’ils songent à faire défection, en évoquant le précédent du couple d’espions soviétiques Petrov qui avaient fait ce choix en 1954, permettant de révéler des pans entier des réseaux d’espionnage russes.
« Si vous souhaitez partager vos secrets, n’hésitez pas à me contacter. L’ASIO est toujours à l’écoute », a-t-il lancé, rappelant que l’Australie faisait face à une menace d’espionnage grandissante de la part de nombreux pays. « Les services étrangers sont compétents, déterminés et patients. Ils jouent un jeu à long terme. Le problème pour eux, c’est que l’ASIO fait de même. »
L’espionnage, une menace persistante
Cette affaire rappelle que malgré la fin de la Guerre Froide, l’espionnage reste une réalité des relations internationales. Selon des experts, l’Australie est une cible de choix en raison de sa position géostratégique, de ses ressources et de ses liens étroits avec les États-Unis.
- En 2019, un politicien local avait déjà été accusé d’avoir agi comme « agent d’influence » pour Pékin.
- En 2021, un universitaire avait été arrêté pour avoir caché ses liens avec la Chine.
Au-delà de la Russie et de la Chine, des pays alliés comme Israël ou la France ont aussi été suspectés par le passé de conduire des opérations clandestines de renseignement sur le sol australien. Le contre-espionnage reste donc une priorité pour les agences de sécurité du pays.
Cette nouvelle affaire d’espionnage présumé promet en tout cas d’envenimer un peu plus les relations déjà tendues entre Moscou et Canberra, sur fond de guerre en Ukraine et de sanctions occidentales contre la Russie. Elle illustre aussi la délicate position de l’Australie, prise entre ses intérêts sécuritaires et économiques dans une région Indo-Pacifique sous haute tension.