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Un Bunker De Luxe Se Prépare Dans Un Ancien Camp Nazi

Un bunker de luxe avec cinémas et spas prévu dans un ancien camp nazi en Allemagne. Le projet d'une "ville souterraine" dans les galeries creusées par les déportés crée la polémique, suscitant l'indignation des défenseurs de la mémoire du site.

Dans l’ancien camp de concentration nazi de Langenstein-Zwieberge en Allemagne, un projet immobilier des plus insolites fait polémique. Peter Jugl, un agent immobilier allemand, envisage de transformer des galeries souterraines en un bunker de luxe géant, au grand dam des défenseurs de la mémoire du site. Ce complexe, véritable ville souterraine équipée de cinémas, bars, spas et chambres de luxe, servirait d’abri en cas de catastrophe climatique selon son initiateur.

Un lieu chargé d’histoire

Mais ces tunnels, rachetés par M. Jugl à partir de 2019, ne sont pas anodins. Ils ont été creusés pendant la Seconde Guerre mondiale par plus de 7000 prisonniers politiques du camp de Langenstein-Zwieberge, annexe de Buchenwald, dans le but d’y installer un site de production d’armement. Parmi eux, le résistant français Louis Bertrand, arrêté en août 1944, qui y a laissé « une partie de sa jeunesse » avant de choisir d’être enterré près de la fosse commune des déportés.

Un mémorial menacé ?

L’association des descendants des détenus, qui regroupe des dizaines de personnes originaires de 23 pays dont le fils de Louis Bertrand, s’indigne de ce projet qu’elle juge irrespectueux. Pour elle, il est « impensable de dissocier » les galeries du camp situé à deux kilomètres de là et « de faire abstraction du tunnel » dans lequel les déportés ont tant souffert. La fondation gérant le mémorial partage cet avis, estimant qu’il serait préférable de rendre une plus grande partie de ces galeries accessibles au public dans un but pédagogique.

Le percement du tunnel a été la ‘raison d’être’ du camp. Il est impensable de dissocier les deux composantes de cet ensemble, et donc de faire abstraction du tunnel.

L’association des descendants des détenus

Un projet controversé

Sur son site « BunkerCoin », Peter Jugl vante pourtant son projet de bunker aux « levers et couchers de soleils artificiels », faisant les yeux doux aux investisseurs potentiels. Il assure que « ces galeries souterraines n’ont rien à voir avec le camp » mais cette affirmation ne convainc pas. Selon l’hebdomadaire Der Spiegel, l’entrepreneur, également gérant d’un hôtel de passe, aurait des accointances avec l’extrême droite allemande.

Après avoir servi d’entrepôt de munitions pendant la Guerre froide puis d’installation temporaire pour l’armée allemande, les galeries ont été revendues à des investisseurs privés comme M. Jugl dans le sillage de la chute du mur de Berlin. L’homme d’affaires a indiqué à l’État régional être prêt à les lui céder, mais pour la somme de 8 millions d’euros, bien supérieure au 1,3 million déboursé à l’achat. Le Land, qui souhaite un « accès gratuit et pérenne au tunnel », tout comme les familles de déportés, négocie actuellement ce rachat en sollicitant l’aide financière de Berlin.

Entre devoir de mémoire et appât du gain

Pour Jean-Louis Bertrand, fils de Louis, M. Jugl cherche surtout à « faire de l’argent » en faisant monter les enchères avec son projet tape-à-l’œil. Un avis partagé par de nombreux défenseurs de la mémoire qui plaident depuis des années pour l’aménagement d’un « anneau de mémoire » d’un kilomètre dans ces galeries chargées d’histoire. À l’heure où les derniers témoins de la barbarie nazie disparaissent, la question de la transmission se pose avec une acuité particulière. Entre impératif mémoriel et appât du gain, le devenir de ce site emblématique cristallise les tensions.

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