Il y a un an, les élections européennes ont redessiné le visage du Parlement à Strasbourg. Un vent nouveau souffle, plus froid, plus conservateur, porté par une droite renforcée et une extrême droite en quête d’influence. Si la majorité pro-européenne tient encore, les reports de lois environnementales et les débats sur la compétitivité laissent entrevoir des fissures. Que signifie ce tournant pour l’avenir de l’Union européenne ? Plongeons dans cette transformation politique, ses acteurs, ses enjeux et ses perspectives.
Un Parlement sous influence conservatrice
Le Parlement européen, un an après les élections, n’est plus tout à fait le même. La droite, emmenée par le Parti populaire européen (PPE), s’est imposée comme une force dominante. Avec une assise renforcée, elle impose son agenda : compétitivité économique, durcissement des politiques migratoires, et une remise en question des ambitions environnementales. Ce virage à droite n’a rien d’anodin. Il reflète un changement de priorités, où la défense de l’environnement cède du terrain face aux impératifs économiques.
Ce basculement s’est matérialisé par des décisions concrètes. Par exemple, une loi clé sur la lutte contre la déforestation a été repoussée d’un an, sous la pression du PPE. Cette mesure, qui visait à protéger les écosystèmes mondiaux, a suscité l’ire des écologistes. Une voix s’élève, celle d’une eurodéputée luxembourgeoise, qui déplore une alliance conservatrice peu soucieuse de la nature.
“C’est un vent plus froid et plus dur qui souffle. Il y a une alliance conservatrice qui ne veut pas protéger la nature.”
Une eurodéputée écologiste
Ce report n’est pas un cas isolé. D’autres textes, comme celui sur le devoir de vigilance des multinationales, adopté après cinq ans de négociations, sont aujourd’hui menacés. Des leaders européens, invoquant la compétitivité, souhaitent purement et simplement le supprimer. Ce climat marque un tournant : l’Europe, autrefois fer de lance des politiques vertes, semble freiner des quatre fers.
La droite en position de force
Le PPE, fort de ses résultats électoraux, joue un rôle central dans cette dynamique. À Strasbourg, il dispose d’un pouvoir de négociation inégalé. Si les centristes ou les sociaux-démocrates s’opposent à ses priorités, le PPE peut se tourner vers l’extrême droite pour constituer une majorité alternative. Ce scénario, bien que rare, plane comme une menace. Lors des discussions sur la déforestation, le PPE a brandi cette carte, avant de se contenter d’un compromis.
Cet équilibre précaire illustre la nouvelle donne. Le PPE impose ses thèmes : défense, immigration stricte, simplification des réglementations. Ces priorités résonnent avec un contexte global marqué par des incertitudes économiques et l’arrivée au pouvoir de figures comme Donald Trump aux États-Unis. Face à ces défis, le pragmatisme l’emporte, et la majorité pro-européenne reste, pour l’instant, unie.
Un Parlement plus à droite, mais toujours pro-européen : une équation complexe à résoudre.
Une majorité pro-européenne sous tension
La majorité actuelle, composée de centristes, de sociaux-démocrates et d’une partie des Verts, n’a pas encore volé en éclats. Mais les tensions sont palpables. La présidente du Parlement, issue du PPE, insiste sur la solidité de cette coalition. Elle affirme que les majorités “constructives” reposent sur des forces pro-européennes et que cette dynamique perdurera.
“Les majorités constructives reposent sur des forces pro-européennes au centre. Je ne vois pas cela changer.”
La présidente du Parlement
Pourtant, certains doutent de cette stabilité. Une eurodéputée centriste française souligne que les véritables épreuves arriveront à l’automne. Les discussions sur des textes majeurs, comme ceux touchant à l’environnement ou à l’économie, mettront la majorité à rude épreuve. Pour l’heure, le Parlement s’est contenté de reports ou de débats préliminaires, évitant les grandes réformes.
Ce ralentissement législatif n’est pas anodin. La présidente de la Commission européenne, figure centrale du PPE, semble centraliser les décisions. Moins de textes arrivent au Parlement, créant un “embouteillage” législatif. Cette stratégie, volontaire ou non, donne du temps aux conservateurs pour façonner l’agenda à leur image.
L’extrême droite gagne du terrain
L’autre grand acteur de ce virage est l’extrême droite. Avec une percée électorale notable, elle pèse désormais dans les débats, malgré ses divisions internes. Trois groupes se partagent cet espace : les Conservateurs et réformistes (ECR), les Patriotes et les Souverainistes. Si les deux derniers restent marginalisés par un “cordon sanitaire”, l’ECR s’intègre progressivement au jeu européen.
Le groupe ECR, notamment porté par le parti italien Fratelli d’Italia, gagne en influence. Une eurodéputée tchèque, issue de ce groupe, a ainsi décroché la présidence d’une commission clé sur l’agriculture. Cette position stratégique illustre l’ascension de l’ECR, qui se voit comme un “partenaire naturel” du PPE sur des sujets comme la compétitivité ou la dérégulation.
“L’Europe va dans notre sens. C’est une période intéressante pour nous.”
Un élu italien de l’ECR
Les Patriotes et les Souverainistes, eux, peinent à s’imposer. Critiqués par le passé pour leur manque d’impact, ils tentent aujourd’hui de gagner en crédibilité en déposant plus d’amendements. Leur objectif ? Prouver qu’une majorité alternative, incluant l’extrême droite, est possible sur certains dossiers. Mais cette ambition se heurte à des divergences idéologiques, notamment sur des sujets comme l’État de droit ou le soutien à l’Ukraine.
Groupe politique | Influence | Positionnement |
---|---|---|
PPE | Dominant | Conservateur, pro-européen |
ECR | En progression | Extrême droite modérée, intégrée |
Patriotes/Souverainistes | Marginalisée | Extrême droite, cordon sanitaire |
Les défis de l’automne
L’automne 2025 s’annonce décisif. Les grandes décisions, repoussées jusqu’ici, devront être prises. Les textes sur l’environnement, la compétitivité ou la défense seront au cœur des débats. La majorité pro-européenne, bien que pragmatique, risque de se fissurer si les divergences s’accentuent. Les Verts, en particulier, pourraient se désolidariser face à de nouvelles reculades sur l’écologie.
Pour les centristes, l’enjeu est de maintenir un équilibre. Ils refusent pour l’instant de rompre avec le PPE, mais leur patience pourrait s’éroder. Les sociaux-démocrates, eux, se retrouvent dans une position délicate : soutenir la majorité ou risquer une alliance avec des forces plus à gauche, au risque de marginalisation.
Ce contexte pose une question essentielle : l’Europe peut-elle concilier ses ambitions pro-européennes avec un agenda de plus en plus conservateur ? La réponse dépendra des compromis trouvés à l’automne, lorsque les textes majeurs seront débattus.
Un agenda environnemental en péril
Le report de lois comme celle sur le devoir de vigilance ou la lutte contre la déforestation illustre un recul des ambitions écologiques. Ces textes, fruits de longues négociations, incarnaient l’engagement de l’Europe pour un avenir durable. Leur remise en cause, sous prétexte de compétitivité, inquiète les défenseurs de l’environnement.
Pourtant, ce recul n’est pas total. Certains textes, bien que retardés, pourraient être sauvés par des compromis. Les écologistes, bien que frustrés, continuent de participer à la majorité, espérant infléchir les décisions. Mais leur influence reste limitée face à un PPE dominateur et une extrême droite en embuscade.
- Lois environnementales menacées : Déforestation, devoir de vigilance.
- Priorités du PPE : Compétitivité, défense, immigration.
- Rôle de l’extrême droite : Influence croissante, mais divisée.
Vers une Europe plus conservatrice ?
Le virage à droite du Parlement européen reflète un changement plus large dans les priorités de l’Union. Les défis économiques, les tensions géopolitiques et la montée des populismes poussent l’Europe à repenser son modèle. Si la majorité pro-européenne tient bon, elle devra naviguer dans un paysage politique de plus en plus polarisé.
L’influence croissante de l’extrême droite, notamment via l’ECR, pourrait redessiner les alliances. Le PPE, en position de force, devra choisir : maintenir une coalition centriste ou céder à la tentation d’une majorité alternative avec des partenaires plus radicaux. Cette décision façonnera l’avenir de l’Europe pour les années à venir.
En attendant, les regards se tournent vers l’automne. Les débats à venir révéleront si l’Europe peut concilier ses ambitions écologiques, économiques et sociales, ou si elle s’engage durablement dans une voie plus conservatrice. Une chose est sûre : le Parlement de Strasbourg n’a pas fini de faire parler de lui.