Un fait divers aussi inquiétant que révélateur de notre époque. Ce samedi, un adolescent de seulement 15 ans a été interpellé par la police à Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. Son crime ? Avoir publié sur le réseau social Twitter un message menaçant à l’encontre du président israélien Isaac Herzog, actuellement en visite officielle en France à l’occasion des Jeux Olympiques de Paris.
« Un attentat par pitié »
C’est par ces mots lourds de sous-entendus que l’adolescent a réagi à l’arrivée du dirigeant israélien sur le territoire français. Un message qui n’est pas passé inaperçu puisqu’un signalement a rapidement été effectué sur la plateforme gouvernementale Pharos, dédiée à la lutte contre les contenus illicites sur Internet.
Alerté, le parquet de Créteil a immédiatement ouvert une enquête et mandaté le groupe de lutte anti-terroriste de la police judiciaire du Val-de-Marne pour identifier l’auteur de ce tweet menaçant. Grâce au travail de recoupement des enquêteurs, le suspect a pu être localisé à Ivry-sur-Seine. Problème : il se trouvait en vacances en Isère au moment des faits.
Interpellation à Grenoble
Qu’à cela ne tienne, les policiers de la PJ de Grenoble ont pris le relais et procédé à l’interpellation du mis en cause ce samedi. Âgé de 15 ans, le jeune homme a été placé en garde à vue dans les locaux du commissariat. À l’issue de son audition, il a été remis en liberté mais devra prochainement effectuer un stage de citoyenneté.
Si l’on peut se réjouir que les services de police aient pu remonter rapidement jusqu’à cet individu malgré son jeune âge, cette affaire en dit long sur les dérives de notre société et en particulier celles liées aux réseaux sociaux. Car c’est bien là le cœur du problème.
La face sombre des réseaux sociaux
Derrière leur apparente facilité d’utilisation et l’anonymat qu’ils procurent, Facebook, Twitter, Snapchat et consorts sont devenus le réceptacle de la haine et de la bêtise humaine. Des adolescents de plus en plus jeunes y déversent sans aucun filtre leurs pensées les plus sombres, bien souvent sans mesurer la portée de leurs actes ni les conséquences qu’ils peuvent avoir.
Appels à la violence, apologie du terrorisme, cyberharcèlement… Les exemples ne manquent pas pour illustrer cette dérive inquiétante, qui n’épargne désormais plus aucune tranche d’âge. Les ados, avec leur utilisation frénétique du numérique et leur quête effrénée de “likes”, en sont même devenus les principaux acteurs.
Un phénomène de société préoccupant
Sans surprise, les spécialistes tirent la sonnette d’alarme depuis plusieurs années déjà. Le phénomène n’est pas nouveau mais il prend une ampleur inédite, porté par la massification des usages numériques chez les jeunes. Un rapport récent pointait ainsi que 87% des 12-17 ans sont présents sur les réseaux sociaux, dont 50% s’y connectent plusieurs fois par jour.
Dans le même temps, les mesures de prévention et d’accompagnement censées protéger les mineurs sur Internet peinent à suivre le rythme effréné des évolutions technologiques et des nouvelles pratiques. Parents, éducateurs, pouvoirs publics… Tous semblent dépassés face à l’urgence de la situation.
On ne mesure pas encore tous les ravages psychologiques que cette hyperconnexion peut causer sur des ados en pleine construction identitaire.
Stéphane Blocquaux, docteur en sciences de l’information
Prévenir plutôt que guérir
Face à ce constat alarmant, il est urgent d’agir. Cela passe d’abord par un renforcement de l’éducation au numérique, dès le plus jeune âge et tout au long de la scolarité. Apprendre aux enfants et ados à maîtriser ces outils, à décrypter les contenus, à interagir de façon responsable… Autant de compétences clés pour en faire des citoyens éclairés et évoluer sereinement dans notre monde hyperconnecté.
Les parents ont également un rôle crucial à jouer, en instaurant un dialogue avec leurs enfants sur leurs pratiques numériques, en fixant un cadre et des limites, en restant vigilants aux signaux d’alerte. Les réseaux sociaux ne doivent pas être une zone de non-droit mais bien un espace encadré.
Enfin, les plateformes doivent elles aussi prendre leurs responsabilités, en renforçant leurs dispositifs de modération, de signalement, de protection des mineurs. Des outils de contrôle parental plus performants et plus accessibles sont notamment attendus.
Car in fine, c’est bien d’une mobilisation collective et à tous les niveaux dont nous avons besoin pour endiguer cette déferlante de haine et de violence qui submerge la toile. Le cas de cet ado « twittos » en est le énième symptôme. Espérons qu’il serve aussi d’électrochoc.