Face à la recrudescence des attaques visant les installations pétrolières du pays, notamment un oléoduc clé acheminant le brut nigérien vers le Bénin voisin, le Niger a décidé de s’allier à une société chinoise pour renforcer la sécurité de ses infrastructures énergétiques. Un accord crucial pour l’économie des deux États, mais qui intervient dans un contexte de tensions diplomatiques entre Niamey et Cotonou.
Un partenariat sécuritaire sino-nigérien pour protéger l’or noir
Mardi dernier, l’armée nigérienne et la compagnie chinoise West African Oil Pipeline Company (Wapco), filiale de la géante China National Petroleum Corporation (CNPC), ont signé des accords portant sur la sécurisation des opérations et des installations pétrolières du pays. Au cœur des préoccupations : un oléoduc de près de 2000 kilomètres reliant les champs pétrolifères d’Agadem, dans le nord-est du Niger, au port béninois de Sèmè-Kpodji.
Cet ouvrage stratégique, essentiel pour les économies des deux pays, est la cible depuis l’an dernier d’une série d’attaques et de sabotages. Le dernier en date, perpétré samedi dernier près de Mounstéka au Niger, a vu les assaillants se replier vers le Nigeria selon l’armée nigérienne, sans plus de détails sur l’ampleur des dégâts. Début décembre, trois soldats béninois chargés de la surveillance de l’oléoduc avaient été tués dans le nord du pays.
La Chine à la rescousse avec ses drones
Pour tenter d’endiguer ces attaques à répétition, la Chine a proposé récemment de déployer des drones le long de l’oléoduc. Une offre visiblement concrétisée par l’accord signé entre Wapco et l’armée nigérienne, même si les détails de ce partenariat sécuritaire restent pour l’heure confidentiels, les deux parties évoquant simplement un « engagement mutuel ».
Il faut dire que les enjeux sont de taille pour la Chine, qui extrait l’or noir nigérien depuis 2011 via la CNPC. Malgré un contexte sécuritaire dégradé, Niamey a d’ailleurs réussi à écouler son brut par le Bénin en 2024, une bonne nouvelle pour les caisses de l’État. Le Niger, l’un des pays les plus pauvres au monde, mise beaucoup sur ses ressources pétrolières pour développer son économie et espère doubler sa production dans les années à venir grâce aux investissements chinois.
Des tensions persistantes entre le Niger et le Bénin
Mais l’accord sécuritaire avec Wapco intervient sur fond de relations tendues entre le Niger et le Bénin, une situation qui complique la protection de leur ouvrage commun. Depuis le coup d’État au Niger en juillet 2023 et la fermeture de la frontière béninoise qui a suivi, Niamey accuse régulièrement Cotonou de servir de base arrière à des « terroristes » et de chercher à déstabiliser le régime militaire aujourd’hui au pouvoir.
Des accusations qui ont perturbé les chargements de pétrole nigérien au port béninois, créant une « brouille » entre les deux voisins, pourtant condamnés à coopérer sur le plan énergétique. Dans ce contexte, le soutien chinois apparaît comme un précieux atout pour sécuriser la manne pétrolière, enjeu économique vital pour le Niger comme pour le Bénin.
Les dessous d’une première attaque revendiquée
Si la plupart des attaques visant l’oléoduc restent pour l’instant non revendiquées, la toute première offensive en juin dernier dans la région de Zinder avait fait l’objet d’une revendication inattendue. Un mystérieux groupe armé avait alors affirmé vouloir le retour au pouvoir de Mohamed Bazoum, le président nigérien renversé par le coup d’État de l’été 2023. Une revendication qui avait conduit la CNPC à suspendre temporairement ses projets de construction sur le site d’Agadem.
Reste à savoir si l’accord sécuritaire avec Wapco et le déploiement de drones suffiront à mettre l’oléoduc, voie royale du pétrole nigérien, à l’abri des attaques. Un pari crucial alors que la Chine, qui a investi massivement dans les hydrocarbures en Afrique depuis deux décennies, cherche aussi à se positionner comme un acteur sécuritaire pour prétéger ses précieux intérêts économiques. Et un nouveau test pour les relations toujours complexes entre Niamey et Cotonou, dont la coopértion s’avère pourtant indispensable pour la sécurité et la prospérité des deux pays.