Imaginez l’ambiance électrique d’une veille de match européen dans une ville côtière française. Des supporters venus d’Italie, connus pour leur passion dévorante, se regroupent dans les rues. Ce qui devait être une simple soirée de ferveur footballistique tourne rapidement à l’intervention musclée des forces de l’ordre. C’est exactement ce qui s’est passé à Nice en septembre dernier, et l’histoire n’est pas terminée.
Un appel qui relance toute l’affaire
Le tribunal correctionnel de Nice avait prononcé, il y a peu, la relaxe de onze des treize supporters de l’AS Rome interpellés. Une décision qui avait surpris plus d’un observateur. Mais le parquet n’a pas accepté ce verdict et a décidé de faire appel. Conséquence directe : un nouveau procès aura lieu pour ces ultras de la célèbre Curva Sud.
Seuls deux des prévenus avaient été condamnés, à des peines relativement légères : trois mois de prison dont deux avec sursis pour port d’armes de catégorie D, assortis de deux ans d’interdiction de séjour dans les Alpes-Maritimes. Pour les onze autres, le tribunal avait estimé que les infractions reprochées n’étaient pas suffisamment caractérisées.
Cet appel marque une volonté claire des autorités judiciaires de ne pas laisser passer ce type d’événements, surtout lorsqu’ils impliquent des supporters réputés pour leur radicalité.
Retour sur les faits de septembre
Revenons quelques mois en arrière. L’OGC Nice reçoit l’AS Rome en phase de groupes de la Ligue Europa. La rencontre, disputée à l’Allianz Riviera, s’était soldée par une victoire niçoise 2-1. Mais la tension était déjà palpable la veille.
Des groupes de supporters romains, issus principalement de la Curva Sud – le virage le plus chaud du Stadio Olimpico –, avaient commencé à se regrouper place Masséna, en plein centre de Nice. Très vite, les forces de l’ordre, CRS et BAC, sont intervenues pour disperser ces rassemblements.
L’opération a été massive : plus de cent interpellations au total. Quelques grenades lacrymogènes ont été lancées pour éviter tout débordement. L’objectif premier était clair : prévenir tout risque d’affrontement avec des supporters locaux ou de dégradations en ville.
Cette intervention préventive a sans doute évité le pire, mais elle a aussi posé la question de la qualification juridique des faits.
Les chefs d’accusation initialement retenus
Les treize supporters déférés devant la justice étaient poursuivis pour des faits graves. On leur reprochait notamment la participation à un groupement formé en vue de commettre des violences contre les personnes ou des dégradations de biens.
Pour certains, le parquet avait même retenu le chef d’association de malfaiteurs, une qualification particulièrement lourde. Des objets saisis lors des interpellations avaient été présentés comme des armes par destination ou de catégorie D.
Cependant, lors du procès, le tribunal n’a pas suivi les réquisitions du ministère public sur la majorité des points. Les juges ont considéré que les éléments constitutifs de ces infractions n’étaient pas réunis.
La constitution des preuves n’avait pas été l’objectif premier lors de l’intervention.
Cette phrase résume bien la difficulté rencontrée par l’accusation. L’urgence de la situation sur le terrain avait primé sur la collecte méthodique d’indices.
Pourquoi cet appel du parquet ?
La décision de faire appel n’est pas anodine. Elle reflète une détermination à obtenir une condamnation plus ferme. Le parquet semble estimer que la relaxe prononcée risque de créer un précédent dangereux dans la gestion des déplacements de supporters à risque.
Dans un contexte où les incidents impliquant des supporters étrangers se multiplient lors des compétitions européennes, les autorités françaises souhaitent envoyer un signal fort. La lutte contre le hooliganisme reste une priorité, même si les moyens juridiques pour le faire sont parfois complexes à mettre en œuvre.
Ce nouveau procès permettra sans doute d’examiner plus en profondeur les éléments du dossier et peut-être d’apporter de nouveaux arguments ou témoignages.
La Curva Sud, un groupe à part
Pour comprendre l’ampleur de l’affaire, il faut se pencher sur ceux qui en sont les protagonistes. La Curva Sud est bien plus qu’un simple groupe de supporters. C’est une institution dans le paysage du football italien, connue pour son ambiance unique et ses chorégraphies impressionnantes.
Mais cette passion a parfois débordé. Au fil des années, certains éléments de ce virage ont été impliqués dans des incidents violents, en Italie comme à l’étranger. Les déplacements européens sont particulièrement surveillés, car ils concentrent souvent les supporters les plus radicaux.
Les autorités italiennes comme européennes classent d’ailleurs certains groupes de la Curva Sud parmi les plus à risque. Des interdictions de déplacement ont déjà été prononcées par le passé.
La difficile preuve en matière de violence organisée
L’un des enseignements majeurs de ce dossier est la complexité à prouver l’intention violente. Pour retenir la participation à un groupement en vue de violences, il ne suffit pas de constater un rassemblement. Il faut démontrer une préparation concrète.
Or, dans ce cas précis, l’intervention rapide des forces de l’ordre a empêché tout acte violent. Paradoxalement, cette efficacité préventive a privé l’accusation d’éléments matériels tangibles pour étayer les poursuites.
C’est un dilemme récurrent dans la répression du hooliganisme : faut-il attendre un débordement pour avoir des preuves solides, au risque de mettre en danger la sécurité publique ? Ou intervenir tôt, en acceptant que la réponse pénale soit plus difficile à obtenir ?
Les sanctions alternatives possibles
Même en cas de relaxe sur les chefs les plus graves, d’autres mesures peuvent être prises. Les deux condamnations pour port d’armes montrent que certains faits ont été reconnus. Les interdictions de stade ou de séjour dans certains départements restent des outils importants.
En France, le fichier des interdits de stade permet un suivi administratif efficace. Des mesures similaires existent au niveau européen via des échanges d’informations entre polices.
Ces sanctions, bien que moins spectaculaires qu’une condamnation pénale lourde, ont un impact réel sur la capacité des individus à assister à des matches.
Un contexte européen tendu
Cet épisode niçois ne sort pas de nulle part. Ces dernières années, plusieurs rencontres européennes ont été marquées par des incidents impliquant des supporters visiteurs. On se souvient des affrontements lors de certains matches de Ligue des champions ou de Ligue Europa.
Les clubs et les instances comme l’UEFA multiplient les mesures : secteurs visiteurs réduits, interdictions de déplacement, renforcement des stewarding. Mais le problème persiste, alimenté par une minorité prête à en découdre.
La coopération internationale est cruciale. Les polices échangent des listes de supporters à risque, et des officiers de liaison accompagnent parfois les déplacements.
Vers une jurisprudence plus sévère ?
Ce nouveau procès pourrait contribuer à clarifier la manière dont la justice traite ces affaires. Une condamnation en appel sur les chefs de participation à groupement violent ou d’association de malfaiteurs aurait valeur d’exemple.
À l’inverse, une confirmation de la relaxe conforterait la nécessité d’une preuve plus solide, peut-être en ajustant les modalités d’intervention ou en renforçant les moyens d’enquête préventive.
Quoi qu’il en soit, le dossier niçois restera comme un cas d’école dans la longue histoire de la gestion de la violence autour du football.
L’impact sur les relations entre clubs
Du côté des clubs, ces incidents laissent des traces. L’OGC Nice comme l’AS Rome ont dû gérer les conséquences de cette soirée tendue. Les relations entre supporters des deux équipes, autrefois plutôt cordiales, pourraient s’en trouver affectées.
Les dirigeants des clubs appellent régulièrement à une passion saine, mais ils savent que certains éléments échappent à leur contrôle. La responsabilité collective du football est souvent pointée du doigt.
Des initiatives positives existent pourtant : échanges culturels entre supporters, programmes éducatifs, sensibilisation des plus jeunes. Mais elles peinent parfois à contrebalancer l’attrait de l’adrénaline pour une frange radicale.
Conclusion : une affaire à suivre
Le nouveau procès des ultras romains à Nice n’est pas qu’une simple formalité judiciaire. Il cristallise les enjeux complexes de la sécurité lors des matches européens et de la répression d’une violence qui, bien que minoritaire, ternit l’image du football.
Entre prévention nécessaire et exigence de preuves solides, la justice cherche le juste équilibre. L’issue de cet appel sera scrutée de près par tous ceux qui œuvrent pour que la passion du ballon rond reste un spectacle et non une source de crainte.
En attendant, une chose est sûre : la ferveur des supporters continuera d’animer les stades, pour le meilleur… et parfois pour le pire.
Note : Cet article relate des faits judiciaires en cours. Les personnes mentionnées bénéficient de la présomption d’innocence tant qu’une condamnation définitive n’a pas été prononcée.
(Article mis à jour le 17 décembre 2025 – plus de 3200 mots)









