Imaginez une ligne de front de plus de 1 300 kilomètres, gelée sous la neige ukrainienne, où chaque kilomètre peut faire basculer des vies. Au milieu de ce chaos, une organisation née il y a un demi-siècle pendant la Guerre froide pourrait soudain devenir l’arbitre inattendu d’une paix fragile. C’est exactement le scénario qu’esquisse la Suisse pour 2026.
L’OSCE, cet acteur discret que la Suisse veut remettre sous les projecteurs
L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe n’est pas l’ONU. Elle n’a pas de casques bleus, pas d’armée, pas de pouvoir de sanction direct. Pourtant, elle réunit 57 pays, dont la Russie, l’Ukraine et les États-Unis, autour d’une même table. Un miracle diplomatique qui tient encore debout malgré la guerre.
Le ministre suisse des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, ne cache pas son ambition : faire de l’OSCE l’instrument central de surveillance d’un éventuel cessez-le-feu. Une idée qui peut sembler utopique… jusqu’à ce qu’on écoute les détails.
Des observateurs déployables en quelques jours seulement
Ce qui rend la proposition suisse crédible, c’est avant tout la réactivité de l’organisation. Ignazio Cassis l’affirme sans détour : l’OSCE est capable de déployer plusieurs dizaines d’observateurs en un temps record. Pas des mois de négociations interminables, mais des jours.
Cette capacité n’est pas théorique. Elle a déjà été prouvée par le passé, notamment lors de la mission spéciale de surveillance créée en 2014 après l’annexion de la Crimée. Des centaines d’observateurs non armés avaient alors sillonné le Donbass, rapportant jour après jour violations et incidents.
« L’OSCE pourrait observer le cessez-le-feu, surveiller la ligne de cessez-le-feu, observer les élections, etc. »
Ignazio Cassis, ministre suisse des Affaires étrangères
Un défi logistique titanesque : 1 300 km de front
Mais le ministre est lucide. Surveiller intégralement une ligne de contact aussi longue dépasse largement les moyens actuels de l’OSCE. Il le dit clairement : l’organisation est « trop petite » pour couvrir seule un tel périmètre.
Pour y parvenir, il faudrait un engagement massif des États membres : plus de personnel, plus de véhicules blindés légers, plus de drones d’observation, plus de rotations. En clair, une volonté politique collective que l’on n’a pas vue depuis longtemps.
Et pourtant, la Suisse veut croire que c’est possible. Dès 2026, lorsqu’elle prendra la présidence tournante de l’OSCE, Berne compte bien transformer l’essai.
Pourquoi garder la Russie à la table reste crucial
Un point surprend souvent : la Russie est toujours membre de l’OSCE, malgré l’invasion de l’Ukraine en février 2022 et la violation flagrante des principes fondateurs de l’organisation. Beaucoup demandaient son exclusion. Elle n’a pas eu lieu ni en 2014, ni en 2022.
Ignazio Cassis y voit un avantage décisif. Tant que Moscou reste autour de la table, même en position de faiblesse diplomatique, un canal de dialogue subsiste. Fragile, réduit à portion congrue, mais existant.
C’est précisément ce canal que la Suisse veut utiliser. Exclure la Russie aurait fermé la dernière porte. La garder, même à bout de souffle, laisse une chance – infime mais réelle – de négociation.
Le rôle que pourrait jouer Donald Trump
Le ministre suisse ne tourne pas autour du pot : il croit savoir que le président américain nouvellement élu pourrait conclure rapidement un accord de cessez-le-feu. L’intéressé n’a jamais caché vouloir « régler » le conflit ukrainien en quelques semaines.
Si cet accord voit le jour, même imparfait, même partiel, l’OSCE doit être prête à bondir. C’est tout l’enjeu de la préparation suisse : ne pas se faire surprendre par une fenêtre diplomatique qui pourrait s’ouvrir brutalement.
Une mission d’enquête préliminaire pourrait ainsi être envoyée dès les premiers signes de désescalade, afin d’établir un diagnostic précis et préparer le terrain à une surveillance plus large.
Entre espoir prudent et réalité brutale
Pendant ce temps, sur le terrain, rien ne laisse présager un apaisement immédiat. Les discussions en Floride entre délégations ukrainienne et américaine n’ont débouché sur aucune avancée concrète. Kiev continue d’exiger une « paix juste », Moscou poursuit ses frappes.
Pourtant, dans les couloirs feutrés de la diplomatie européenne, on commence à parler de « scénarios de sortie de crise ». Et l’OSCE, discrète, presque oubliée, pourrait bien être l’un des rares outils encore acceptés par toutes les parties.
La Suisse ne se fait pas d’illusion : les possibilités restent limitées aujourd’hui. Mais elle prépare déjà demain. Car, comme le dit Ignazio Cassis, « l’OSCE doit être prête à agir dès que l’occasion se présentera ».
Dans un conflit où chaque jour compte, cette préparation minutieuse pourrait faire toute la différence entre une trêve qui tient… et une paix qui s’effondre avant même d’avoir commencé.
En résumé : La Suisse mise sur la rapidité de déploiement de l’OSCE, sa neutralité acceptée par Moscou et Kiev, et sa capacité à surveiller sans intervenir militairement. Un pari audacieux, mais peut-être le seul encore possible.
Restera à savoir si, le jour venu, les grandes puissances accepteront de confier les clés de la paix à cette vieille institution née de la détente Est-Ouest. L’histoire, parfois, aime les rebondissements inattendus.









