701 kilomètres carrés. C’est la surface que l’armée russe a arrachée au contrôle ukrainien rien qu’en novembre. Un chiffre qui donne le vertige quand on sait qu’il s’agit de la plus importante progression mensuelle depuis exactement un an. Dans un conflit qui dure déjà depuis près de quatre années, chaque kilomètre compte, chaque village pris ou perdu modifie parfois durablement l’équilibre des forces.
Novembre 2025 : le mois où tout a accéléré
Pour comprendre l’ampleur du phénomène, il faut se replonger dans les chiffres bruts. En un mois, la Russie a gagné presque autant de terrain qu’en plusieurs mois cumulés auparavant. Ce bond de 701 km² place novembre 2025 juste derrière novembre 2024 (725 km²) et très loin des progressions habituelles de ces derniers trimestres.
À la fin du mois, la part du territoire ukrainien sous contrôle ou revendication russe atteignait 19,3 %. Un pourcentage qui inclut évidemment la Crimée et une partie du Donbass déjà sous influence russe avant février 2022, mais qui montre surtout que la dynamique reste clairement favorable à Moscou sur le terrain.
Où ont eu lieu les principales percées ?
Contrairement à ce que beaucoup imaginaient, l’épicentre des combats ne s’est pas limité à la région de Donetsk, pourtant habituée à concentrer l’essentiel des efforts russes depuis des mois.
Dans le Donetsk, la progression a même ralenti : seulement 130 km² conquis en novembre, soit moins de la moitié de la moyenne mensuelle de l’année. Les troupes russes continuent néanmoins de pousser vers Pokrovsk, ville-logistique essentielle dont la chute créerait un trou béant dans les lignes ukrainiennes.
Le véritable choc est venu du sud et du centre-est.
Zaporijjia : +272 km² en un mois, autant que sur les quatre mois précédents réunis.
Dnipropetrovsk : près de 200 km² grignotés, une zone jusque-là relativement préservée.
Ces deux régions, annexées unilatéralement par la Russie en septembre 2022, voient le front se déplacer rapidement. Les cartes quotidiennes montrent des flèches rouges qui s’allongent presque jour après jour, village après village.
Un plan américain en 28 points qui fait débat
Pendant que les canons tonnent, la diplomatie tente de reprendre la main. Mi-novembre, un document de 28 points a circulé sous pavillon américain. Son contenu initial a immédiatement suscité la polémique : beaucoup y ont vu une capitulation déguisée, avec notamment la reconnaissance implicite du contrôle russe sur plusieurs régions.
« Ce plan était perçu comme trop généreux envers Moscou »
Après consultations avec les Européens et les Ukrainiens, une version amendée circule désormais. Elle doit être présentée officiellement au Kremlin dans les tous prochains jours. Un émissaire américain est d’ailleurs attendu mardi à Moscou pour défendre ce texte réécrit.
Mais Vladimir Poutine a déjà fixé sa ligne rouge la semaine dernière : pas de cessez-le-feu sans retrait ukrainien complet des territoires que la Russie considère comme siens – sans les nommer explicitement. Une condition que Kiev rejette catégoriquement.
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes
Pour mesurer l’évolution sur la durée, rien ne vaut une comparaison froide :
- Novembre 2025 : 701 km² gagnés
- Novembre 2024 : 725 km² (record précédent hors 2022)
- Total depuis janvier 2025 : près de 5 400 km²
- Sur la même période 2024 : environ 3 400 km²
Soit 2 000 km² de plus conquis en 2025 par rapport à l’année précédente sur les onze premiers mois. Une accélération nette, même si le rythme reste très inférieur aux gigantesques mouvements des premiers mois de 2022.
Pokrovsk, la clé qui peut tout faire basculer
Dans le Donetsk, tous les regards restent braqués sur Pokrovsk. Cette ville de taille moyenne est devenue un nœud logistique vital pour l’armée ukrainienne. Routes, voies ferrées, dépôts : tout passe par là.
Si elle tombe, c’est tout l’ouest du Donetsk qui risque de devenir indéfendable à moyen terme. Les combats font rage dans les faubourgs, les images montrent des quartiers entiers rasés, des immeubles éventrés. Chaque rue est disputée au prix fort.
Pour l’instant, les défenses ukrainiennes tiennent encore, mais la pression est continue et les renforts arrivent au compte-gouttes.
Et maintenant ?
La conjonction est rare : une offensive militaire qui retrouve de la vigueur au moment précis où un plan de paix – même controversé – arrive sur la table des négociations.
La visite de l’émissaire américain à Moscou cette semaine pourrait marquer un tournant. Soit le Kremlin juge le texte amendé suffisamment intéressant pour entamer des discussions sérieuses. Soit il estime que la situation sur le terrain lui permet d’attendre encore, voire de durcir ses exigences.
Une chose est sûre : chaque kilomètre pris aujourd’hui pèsera demain sur la carte qui sortira éventuellement d’une table de négociations. Et 701 km² en un mois, c’est un argument de poids que Moscou ne manquera pas de brandir.
Le conflit entre dans une phase où le terrain et la diplomatie s’entrelacent plus que jamais. Les prochaines semaines diront si l’hiver 2025-2026 sera celui d’une nouvelle escalade… ou celui, peut-être, des premiers pas hésitants vers une sortie de crise.
En attendant, sur la ligne de front, les soldats continuent d’avancer mètre par mètre, dans la boue et le froid, pendant que les diplomates préparent leurs valises pour Moscou.









