Au cœur de Tyr, cité millénaire du sud du Liban, un silence de mort règne dans les ruelles habituellement animées. Les stigmates des raids israéliens sont partout : immeubles effondrés, façades criblées d’impacts, monceaux de gravats obstruant les chaussées. Pourtant, au milieu de ce paysage apocalyptique, des centaines de familles tentent de renouer avec une vie normale, malgré l’absence d’eau courante et d’électricité dans de nombreux quartiers.
Le dur retour des habitants dans une ville dévastée
Après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu mercredi entre l’armée israélienne et le Hezbollah libanais, les Tyriens ont peu à peu regagné leurs foyers, découvrant l’ampleur des dégâts. Dounia Najdé, 33 ans, gravit avec peine l’escalier sombre menant à son appartement aux portes et fenêtres arrachées, jonché d’éclats de verre.
Je ne m’attendais pas à de tels dégâts. On avait vu les images, mais la réalité est plus dure.
confie-t-elle, s’efforçant de protéger ses enfants des débris tranchants.
Son beau-père, Sleiman Najdé, 60 ans, propriétaire d’un rest-house sur la plage prisée des touristes, se désole devant l’étendue des destructions :
Il n’y a plus ni eau ni électricité, même les générateurs privés ne fonctionnent plus, les câbles ont été sectionnés.
Mais Dieu nous dédommagera, et Tyr reviendra encore mieux qu’avant.
Infrastructures vitales ciblées
Selon le maire Hassan Dbouq, plus de 50 immeubles de trois à douze étages ont été entièrement rasés par les frappes israéliennes, et des dizaines d’autres endommagés jusqu’à 60%. Outre les logements, les raids ont aussi visé des infrastructures clés comme l’Office des eaux de Tyr le 18 novembre, tuant deux employés et privant d’eau 30 000 abonnés.
Il n’y avait ici ni roquettes ni rampes de lancement. C’est une infrastructure publique vitale visée par l’agression israélienne.
dénonce Walid Barakat, président de l’Office, estimant à trois à six mois le délai de reconstruction.
La peur et le choc, compagnons du quotidien
Malgré le cessez-le-feu, l’angoisse demeure palpable chez les habitants. Anas Mdallali, tailleur syrien de 40 ans installé depuis dix ans à Tyr, fond en larmes devant son immeuble dévasté par un ultime raid une heure avant la trêve.
J’ai pleuré de rage. Depuis hier, je prends des calmants après le choc. Je regarde les destructions et les jouets de mes enfants, et je pleure.
confie ce père de famille, illustrant le traumatisme d’une population.
Mehdi Istanbouli, pêcheur de 37 ans, n’ose plus prendre la mer avec ses camarades depuis l’interdiction de l’armée israélienne début octobre.
On observe la situation et on attend. Parfois, quand je regarde la mer et que j’entends le ressac, je crois que c’est l’aviation qui frappe… Nous sommes toujours sous le choc.
lance ce père de quatre enfants.
Une reconstruction semée d’embûches
Si la vie reprend doucement son cours à Tyr, avec le retour des habitants et le ballet des bulldozers déblayant les décombres, le chemin de la reconstruction s’annonce long et ardu. L’absence d’eau et d’électricité dans les quartiers les plus touchés contraint encore de nombreuses familles à repartir la nuit venue.
La priorité des autorités locales est de rétablir ces services vitaux pour permettre un retour pérenne des Tyriens. Des solutions temporaires sont mises en place, mais il faudra des mois pour réparer les dégâts et effacer les stigmates d’une guerre qui a profondément meurtri cette cité historique et ses habitants.
Tyr, dont les sites antiques sont classés au patrimoine mondial de l’Unesco, devra puiser dans ses réserves de résilience pour surmonter cette nouvelle épreuve et renouer avec sa vocation de havre de paix et de villégiature prisée au Liban. Un défi à la mesure de son histoire plurimillénaire, riche en tragédies comme en renaissances.