Un vent de changement souffle sur les relations entre la presse et les géants du numérique. Dans une décision historique, le tribunal judiciaire de Paris vient d’ordonner à Twitter de fournir aux éditeurs de presse français des données cruciales pour calculer leur juste rémunération au titre des droits voisins du droit d’auteur. Cette première victoire judiciaire des médias face à la plateforme marque un tournant majeur.
Twitter contraint de jouer carte sur table
Saisi en référé par plusieurs groupes de presse dont Le Figaro et l’AFP, le tribunal a tranché : Twitter, désormais rebaptisé X, dispose d’un délai de deux mois maximum pour communiquer un ensemble d’informations clés. Au menu, ses revenus publicitaires générés en France, le nombre d’impressions et le taux de clics sur les publications des médias concernés.
Des données précieuses qui permettront enfin aux éditeurs d’estimer la rémunération qui leur est due en vertu de la loi sur les droits voisins. Adoptée en 2019, celle-ci prévoit une compensation financière pour les médias dont les contenus sont repris et monétisés par les plateformes en ligne.
Transparence exigée sur le fonctionnement des algorithmes
Au-delà des chiffres bruts, le tribunal réclame aussi à Twitter une « description du fonctionnement des algorithmes » qui influencent la visibilité et la circulation des publications de presse. De quoi lever un coin du voile sur la boîte noire des réseaux sociaux.
Les algorithmes des plateformes sont l’équivalent du Graal pour les éditeurs. Ils déterminent qui voit quoi, et donc in fine nos revenus publicitaires.
– Un dirigeant de presse
Une victoire en demi-teinte
Si la décision de justice est saluée comme une avancée significative, tous les points de tension ne sont pas réglés pour autant. Twitter pourrait faire appel, retardant d’autant le partage effectif des précieuses données. Les négociations sur les montants réels des droits voisins s’annoncent également âpres.
- Google a écopé d’une amende de 500 millions d’euros pour non-respect des droits voisins
- Facebook s’est vu infliger 60 millions d’euros de pénalités pour le même motif
Bras de fer engagé sur plusieurs fronts
Au-delà de Twitter, les éditeurs de presse multiplient les recours judiciaires pour faire valoir leurs droits face aux Gafam. Google et Facebook ont déjà essuyé de lourdes amendes de l’Autorité de la concurrence pour leurs manquements. Apple et Amazon sont également dans le viseur.
L’enjeu est de taille pour la presse. Fragilisés par la crise de leur modèle économique, les médias voient dans les droits voisins un levier essentiel pour rééquilibrer le rapport de force avec les géants du net, et financer un journalisme de qualité à l’ère numérique. La bataille ne fait que commencer, mais ce premier round est prometteur.