Une série noire secoue Istanbul et la Turquie. En à peine six semaines, pas moins de 37 personnes ont perdu la vie après avoir consommé de l’alcool frelaté dans la capitale économique du pays. Un lourd bilan encore provisoire qui relance le débat sur ce fléau récurrent, aux causes bien connues mais toujours non résolues.
Une crise sanitaire qui perdure
Ce n’est malheureusement pas un phénomène nouveau en Turquie. Fin 2021 déjà, une vague d’intoxications avait causé au moins 25 morts en quelques jours dans plusieurs provinces. Un an plus tôt, une quarantaine de personnes avaient aussi succombé à de l’alcool contaminé.
Les intoxications à l’alcool frelaté sont courantes en Turquie, la production clandestine s’étant développée avec l’explosion des taxes sur les boissons alcoolisées.
D’après une source proche du dossier
Les autorités turques semblent impuissantes face à ces drames à répétition. Quatorze personnes soupçonnées d’avoir écoulé l’alcool mortel ont bien été arrêtées à Istanbul, mais cela ne règle en rien le problème de fond.
L’envolée des prix de l’alcool en cause
Car le mal est profond et bien connu : l’augmentation considérable de la fiscalité sur les boissons alcoolisées. Le raki, alcool national, coûte désormais autour de 1300 livres turques (environ 35 euros) le litre au supermarché. Un prix prohibitif dans un pays où le salaire minimum plafonne à 17.000 livres (465 euros).
Résultat, le marché noir de l’alcool explose. Des alcools frelatés, fabriqués dans des conditions sanitaires désastreuses, inondent les rues des grandes villes. Vendus à bas prix sous le manteau, ils font des ravages chez les consommateurs les plus modestes.
Erdogan et sa lutte contre l’alcool pointés du doigt
La politique du président Erdogan, régulièrement accusé de vouloir islamiser la société turque, est directement mise en cause. Gözlem, le principal journal d’opposition, dénonce une « guerre contre l’alcool » contre-productive :
En imposant des taxes confiscatoires sur les boissons alcoolisées, Erdogan n’empêche pas les Turcs de boire. Il les pousse juste à se fournir au marché noir, au péril de leur vie.
Extrait d’un éditorial du quotidien Gözlem
Le chef de l’État turc a plusieurs fois pris position publiquement contre la consommation d’alcool ou de tabac. Il voit dans les boissons alcoolisées des produits néfastes, contraires aux valeurs de l’islam. Une approche jugée moralisatrice par ses détracteurs.
Des solutions urgentes attendues
Face à ce nouveau drame, des voix s’élèvent en Turquie pour réclamer des mesures fortes et rapides de la part du gouvernement :
- Un meilleur contrôle et une répression accrue de la production et vente illégale d’alcool
- Des campagnes de prévention sur les risques mortels de l’alcool frelaté
- Une politique de santé pour prendre en charge les victimes d’intoxication
- Une révision de la fiscalité pour rendre l’alcool légal plus accessible
Mais vu la position inflexible du président Erdogan sur le sujet, beaucoup craignent que ces tragédies ne se reproduisent encore et encore. En attendant un éventuel changement de cap politique, les familles des 37 victimes d’Istanbul sont en deuil. Et redoutent que d’autres noms ne viennent allonger cette liste déjà trop longue.