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Tunisie : Quatrième Mobilisation pour Défendre les Libertés

Pour la quatrième samedi d'affilée, plusieurs centaines de Tunisiens ont marché dans les rues de la capitale pour crier leur ras-le-bol face à la politique de Kais Saied. Pancartes à l'effigie de prisonniers politiques, slogans contre l'État policier... Mais jusqu'où ira cette mobilisation alors que les arrestations se multiplient ?

Imaginez une avenue emblématique de Tunis, habituellement animée par le quotidien des habitants, soudain transformée en fleuve humain réclamant la liberté. Ce samedi encore, pour la quatrième fois consécutive, des centaines de Tunisiens ont bravé la rue pour exprimer leur profonde inquiétude face à l’évolution politique de leur pays.

Une Mobilisation Qui Ne Faiblit Pas à Tunis

Entre 300 et 400 personnes se sont rassemblées à l’appel d’associations et de partis d’opposition. Elles ont marché dans le centre de la capitale, scandant des slogans forts et porteurs d’espoir, mais aussi de colère contenue.

Les voix résonnaient : « Liberté pour les prisonniers » ou encore « Libertés, libertés, l’État policier c’est terminé ». Ces mots, lancés en direction du président Kais Saied, traduisent un malaise profond qui traverse la société tunisienne depuis plusieurs années.

Un Contexte Politique Tendue Depuis 2021

Tout a basculé en juillet 2021. Le président a soudainement limogé le Premier ministre, suspendu le Parlement et s’est octroyé les pleins pouvoirs. Ce que certains ont qualifié de coup de force a profondément modifié le paysage politique du pays, berceau du Printemps arabe une décennie plus tôt.

Depuis cet épisode, de nombreuses organisations non gouvernementales, tant locales qu’internationales, alertent sur une régression notable des droits et des libertés. Ce qui avait été salué comme un modèle de transition démocratique semble aujourd’hui fragilisé.

Les manifestants de ce samedi n’ont pas manqué de rappeler ces événements fondateurs de la crise actuelle. Leur présence dans la rue constitue une forme de résistance pacifique face à ce qu’ils perçoivent comme une concentration excessive du pouvoir.

Des Figures Emblématiques de l’Opposition en Première Ligne

Parmi les pancartes brandies par les protestataires, certaines portaient le visage de personnalités connues de l’opposition. L’avocat Ayachi Hamami et la poétesse Chaima Issa, tous deux militants de gauche, figuraient en bonne place.

Ces deux figures ont été arrêtées fin novembre après une condamnation définitive pour « complot contre la sûreté de l’État ». Leur cas s’inscrit dans un vaste procès impliquant une quarantaine d’opposants, ce qui a renforcé le sentiment d’une justice instrumentalisée.

Une autre photo revenait souvent : celle d’Abir Moussi, dirigeante du Parti destourien libre, principale voix de l’opposition de droite. Condamnée la veille à douze ans de prison pour « attentat ayant pour but de changer la forme du gouvernement », son sort a particulièrement mobilisé les manifestants.

Ces affaires judiciaires illustrent la diversité idéologique des personnes ciblées. Gauche, droite, société civile : la répression semble toucher large, au-delà des clivages traditionnels.

Le Décret sur les « Fausses Informations » au Cœur des Critiques

Un outil législatif est particulièrement dénoncé : le décret présidentiel contre les « fausses informations ». Son interprétation large permet de poursuivre de nombreux opposants et militants.

Des dizaines de personnes se retrouvent ainsi en prison ou sous le coup de procédures judiciaires pour des publications ou déclarations considérées comme critiques envers le pouvoir. Les défenseurs des droits humains y voient une atteinte grave à la liberté d’expression.

Ce texte, adopté dans le contexte post-2021, est devenu un symbole de la restriction progressive de l’espace public et médiatique en Tunisie.

Des Organisations Mobilisées Autour d’un Slogan Fort

La manifestation a été organisée par des acteurs clés de la société civile. La Ligue tunisienne des droits de l’homme, plusieurs partis politiques, l’Association des femmes démocrates et l’Ordre des avocats ont uni leurs forces.

Ils ont choisi comme slogan « les chaînes se briseront », une phrase directement tirée de l’hymne national tunisien. Ce choix n’est pas anodin : il ancre la protestation dans l’identité nationale et le patrimoine collectif.

Les participants ont dénoncé une « justice aux ordres » et promis de poursuivre la lutte « jusqu’à la chute du régime ». D’autres ont crié « Dégage », rappelant les mots d’ordre de la révolution de 2011.

« Remplissez les prisons, ô justice aux ordres »

Cette phrase, scandée dans la foule, résume le sentiment d’injustice ressenti par beaucoup. Elle traduit aussi une détermination farouche à ne pas céder face à la pression.

La Tunisie, Berceau du Printemps Arabe, à la Croisée des Chemins

Quatorze ans après la révolution qui a chassé Ben Ali et déclenché le Printemps arabe, la Tunisie se retrouve à un tournant. Le chemin parcouru vers la démocratie semble menacé par les évolutions récentes.

Les manifestations hebdomadaires témoignent d’une vitalité citoyenne intacte. Elles montrent que, malgré les obstacles, une partie de la population refuse de voir les acquis de 2011 remis en cause.

La persistance de ces rassemblements, semaine après semaine, indique une mobilisation qui s’installe dans la durée. Elle pose aussi la question de l’avenir : ces voix dans la rue parviendront-elles à infléchir la trajectoire politique actuelle ?

Une Société Civile Toujours Active et Déterminée

Ce qui frappe dans ces mobilisations, c’est la diversité des acteurs impliqués. Des avocats aux féministes, des défenseurs des droits humains aux partis politiques, tous convergent vers un même objectif : la défense des libertés fondamentales.

Cette coalition, même temporaire, rappelle les grandes heures de la contestation tunisienne. Elle démontre que la société civile conserve une capacité de réaction face aux défis actuels.

Les slogans choisis, les références à l’hymne national, les portraits des détenus : tout concourt à créer un sentiment d’unité et de légitimité historique.

Vers une Cinquième Semaine de Protestation ?

Les organisateurs ont déjà annoncé leur intention de poursuivre le mouvement. Rien n’indique un essoufflement, bien au contraire. Chaque samedi semble renforcer la détermination des participants.

Dans un contexte où les espaces de contestation se réduisent, ces marches représentent un acte de résistance symbolique fort. Elles rappellent que la rue reste un lieu d’expression politique essentiel.

La Tunisie observe, le monde regarde. Ces manifestations, modestes en nombre mais riches en signification, pourraient marquer un nouveau chapitre de l’histoire démocratique du pays.

Alors que les prisonniers politiques restent derrière les barreaux et que les procédures judiciaires se multiplient, la question demeure : la voix de la rue sera-t-elle entendue ? L’avenir proche apportera sans doute des éléments de réponse.

À retenir : Quatre samedis consécutifs de mobilisation à Tunis montrent une contestation qui s’enracine. Face aux arrestations et aux condamnations d’opposants, la société civile refuse de baisser les bras et continue de réclamer le respect des libertés conquises depuis 2011.

Ces rassemblements, même s’ils ne réunissent pas des foules immenses, portent une charge symbolique considérable. Ils incarnent l’espoir que la flamme de la liberté, allumée il y a plus d’une décennie, ne s’éteindra pas.

Dans les rues de Tunis, chaque samedi, des citoyens ordinaires et des militants chevronnés marchent côte à côte. Leur message est clair : la Tunisie mérite mieux qu’un retour en arrière autoritaire.

Le chemin sera long, les obstacles nombreux. Mais l’histoire a montré que la persévérance citoyenne peut, parfois, changer le cours des événements. Reste à voir si ces mobilisations hebdomadaires parviendront à ouvrir un nouveau dialogue politique dans le pays.

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