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Tunisie : La Démocratie Enterrée par Kais Saied ?

Quinze ans après avoir inspiré le Printemps arabe, la Tunisie voit ses opposants emblématiques condamnés à de lourdes peines de prison. Kais Saied enterre-t-il définitivement la transition démocratique ? Derrière les barreaux, des figures historiques lancent un cri d'alarme que peu semblent entendre...

Imaginez un pays qui, il y a près de quinze ans, faisait trembler les dictatures du monde arabe en chassant un autocrate au pouvoir depuis des décennies. Ce pays, c’était la Tunisie, berceau du Printemps arabe. Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour dire que cette belle parenthèse démocratique se referme brutalement, sous les coups d’un président qui concentre tous les pouvoirs.

Un recul démocratique inexorable depuis 2021

Le tournant décisif remonte au 25 juillet 2021. Ce jour-là, le président Kais Saied annonce le limogeage du Premier ministre, le gel du Parlement et l’octroi de pouvoirs exceptionnels. Beaucoup de Tunisiens descendent alors dans la rue pour célébrer ce qu’ils perçoivent comme une correction salutaire face à une classe politique enlisée.

Mais quatre ans plus tard, le bilan apparaît bien sombre. Analystes et organisations de défense des droits humains parlent d’un régime autoritaire qui remplace une démocratie imparfaite. Les libertés fondamentales reculent, la justice semble instrumentalisée et les voix critiques sont systématiquement réduites au silence.

Ce qui frappe, c’est la rapidité avec laquelle les institutions démocratiques construites après 2011 ont été démantelées. La Constitution a été suspendue, puis remplacée par un texte taillé sur mesure. Les corps intermédiaires, comme le Conseil supérieur de la magistrature, ont été progressivement affaiblis ou dissous.

Des opposants historiques derrière les barreaux

Les figures les plus emblématiques de l’opposition croupissent aujourd’hui en prison ou ont choisi l’exil. C’est le cas quelle que soit leur sensibilité politique, de la gauche à la droite en passant par les islamistes modérés.

Ahmed Néjib Chebbi, 81 ans, l’un des opposants les plus respectés du pays, a récemment vu sa peine confirmée en appel à douze années d’emprisonnement. Sa fille a dénoncé une sentence équivalant à une condamnation à mort compte tenu de son âge avancé. Deux autres condamnés dans la même affaire, l’avocat Ayachi Hammami et la poétesse Chaïma Issa, ont entamé une grève de la faim pour protester.

Ces peines tombent dans le cadre d’une affaire qualifiée de « complot contre la sûreté de l’État ». Les accusés affirment que le dossier est vide et que les poursuites sont purement politiques. Près de quarante personnes ont été lourdement condamnées dans ce procès.

On est passé malheureusement d’une démocratie dysfonctionnelle à un régime autoritaire tout autant dysfonctionnel.

Cette formule résume bien le sentiment de nombreux observateurs. Elle provient d’un chercheur condamné par contumace à trente-trois ans de prison dans cette même affaire.

Rached Ghannouchi et Abir Moussi, symboles d’une répression tous azimuts

Le leader du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi, 84 ans, figure historique rentrée d’exil après la révolution de 2011, purge actuellement plusieurs peines cumulées, dont une de vingt-deux ans de prison. Son parti, longtemps dominante sur la scène politique, est aujourd’hui décimé.

À l’opposé de l’échiquier politique, Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre, a été condamnée à douze ans d’emprisonnement pour « attentat ayant pour but de changer la forme du gouvernement ». Cette loi, héritée de l’époque autoritaire, est aujourd’hui utilisée contre ceux qui contestent le pouvoir en place.

Ces exemples montrent que la répression ne fait pas de distinction idéologique. Qu’on soit islamiste modéré ou nostalgique de l’ancien régime, critiquer le président expose à de lourdes sanctions.

La justice comme instrument politique

Le président Kais Saied répète qu’il n’interfère pas dans les affaires judiciaires. Pourtant, le timing des arrestations et la qualification des opposants en « terroristes » ou « traîtres » laissent peu de place au doute pour les observateurs.

Des lois comme le décret punissant la diffusion de « fausses informations » ou celles réprimant l’aide aux migrants sont utilisées pour faire taire journalistes, avocats et militants des droits humains. Même si certaines libérations récentes ont eu lieu, elles sont perçues comme tactiques plutôt que comme un signe d’apaisement.

Les priorités semblent claires : les dossiers visant l’opposition politique structurée sont traités en priorité, tandis que d’autres affaires peuvent connaître des relâchements temporaires.

Une presse sous pression constante

Le syndicat des journalistes dénonce des tentatives répétées de soumettre les médias indépendants. Suspensions pour contrôles administratifs, pressions diverses : la liberté de la presse, l’une des grandes conquêtes de la révolution, est aujourd’hui menacée.

Les médias nés après 2011, qui incarnaient cette nouvelle pluralité, subissent des contraintes croissantes. Informer librement devient un exercice de plus en plus risqué.

Kais Saied, de l’espoir à la désillusion

En 2019, Kais Saied, professeur de droit constitutionnel sans parti, remporte l’élection présidentielle avec plus de 70 % des voix. Il incarne alors le ras-le-bol face à une classe politique perçue comme corrompue et inefficace.

En 2021, ses mesures exceptionnelles sont accueillies avec enthousiasme par une partie de la population épuisée par l’instabilité. Mais en 2024, sa réélection avec plus de 90 % des suffrages se fait dans un contexte de très faible participation, inférieure à 30 %.

Les problèmes économiques et sociaux qui avaient porté Saied au pouvoir se sont aggravés. La personnalité censée apporter des solutions semble avoir échoué, laissant le pays dans une situation plus précaire encore.

Une opposition divisée et affaiblie

Face à cette dérive, l’opposition tente de s’organiser. Des réunions rassemblent parfois des formations aux positions antagonistes, signe d’une prise de conscience collective du danger.

Mais les manifestations peinent à mobiliser au-delà des cercles militants. La division historique entre les différentes familles politiques, combinée à la répression, rend difficile la constitution d’un front uni capable de peser réellement.

Pourtant, des rassemblements sont régulièrement organisés, preuve qu’une partie de la société civile refuse de baisser les bras.

La fin d’une parenthèse historique ?

Certains éditorialistes n’hésitent plus à parler de la fermeture définitive de la parenthèse démocratique ouverte en 2011. Les dernières condamnations en appel seraient le signal que l’expérience tunisienne, unique dans le monde arabe, touche à sa fin.

La Tunisie, qui avait montré qu’une transition pacifique vers la démocratie était possible dans cette région du monde, semble aujourd’hui revenir à des pratiques autoritaires. Le contraste est d’autant plus douloureux que le pays avait inspiré tant d’espoirs.

Quinze ans après la révolution qui a chassé Ben Ali, le cycle semble bouclé. Mais l’histoire a montré que les aspirations à la liberté et à la dignité ne s’éteignent jamais complètement. Reste à savoir si cette flamme, aujourd’hui vacillante, pourra un jour se raviver.

À retenir : La Tunisie traverse une crise démocratique profonde marquée par l’emprisonnement massif d’opposants, l’affaiblissement des institutions et une concentration du pouvoir entre les mains du président. Ce qui avait commencé comme une correction politique se transforme en retour à l’autoritarisme.

Le chemin parcouru depuis 2011 apparaît aujourd’hui fragilisé comme jamais. Les Tunisiens, qui ont montré leur capacité à renverser un régime par la seule force de leur mobilisation pacifique, sauront-ils un jour retrouver cette énergie pour défendre les acquis de leur révolution ? La réponse appartient à l’avenir, mais le présent impose une vigilance accrue.

Ce qui se joue en Tunisie dépasse les frontières du pays. C’est l’idée même qu’une démocratie durable est possible dans le monde arabe qui est remise en question. Un signal préoccupant pour toute la région et au-delà.

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