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Tunisie : Ennahdha Affaibli, un Retour Possible ?

Ennahdha, jadis dominant en Tunisie, est en crise : bureaux fermés, dirigeants emprisonnés. Peut-il se relever après le coup de force de Kais Saied ? Découvrez les dessous de cette lutte politique...

Quatre ans après un séisme politique qui a secoué la Tunisie, un parti jadis au cœur du pouvoir semble relégué aux marges. Le 25 juillet 2021, le président Kais Saied annonçait, en plein jour férié, la suspension du Parlement et le limogeage du gouvernement, un événement qualifié par beaucoup de coup d’État. Depuis, le parti islamiste qui dominait la scène politique tunisienne traverse une crise sans précédent. Mais, affaibli et réprimé, peut-il encore prétendre à un retour ? Plongeons dans cette saga politique où l’espoir côtoie l’incertitude.

Un Parti en État de Mort Clinique ?

Le parti islamiste, autrefois fer de lance de la transition démocratique post-révolution, se trouve aujourd’hui dans une situation critique. Ses bureaux sont fermés, ses cadres emprisonnés ou exilés, et son influence semble s’être évaporée. Pourtant, les analystes s’accordent : cette mise à l’écart ne signe pas nécessairement la fin.

Le chef historique du mouvement, âgé de 84 ans, incarne à lui seul cette chute vertigineuse. Arrêté en 2023, il a été condamné à de lourdes peines pour des accusations graves, notamment de complot contre l’État. Ce revers judiciaire, combiné à la répression de quelque 150 cadres du parti, a réduit l’organisation à une ombre de ce qu’elle était.

« Le parti est affaibli au point d’être en état de mort clinique, mais il reste capable de perdurer. »

Slaheddine Jourchi, politologue

Pourtant, cette situation n’est pas inédite. Le parti a déjà traversé des périodes de clandestinité sous les régimes autoritaires précédents, survivant à des décennies de répression. Cette résilience, ancrée dans son histoire, laisse entrevoir une possible renaissance.

Une Décennie de Pouvoir et de Controverses

De 2011 à 2021, le parti a marqué la politique tunisienne. Après la révolution qui a chassé Zine El Abidine Ben Ali, il remporte les premières élections démocratiques avec 1,5 million de voix, un triomphe porté par une vague d’espoir populaire. Sous la direction de son chef charismatique, revenu d’un exil londonien, le mouvement s’impose comme une force incontournable, occupant des postes clés au Parlement et au gouvernement.

Mais ce succès s’accompagne de critiques. Les accusations de compromission avec des figures de l’ancien régime et de liens présumés avec la montée du jihadisme ternissent son image. Les échecs économiques et les blocages politiques achèvent de fragiliser sa base électorale, qui chute à 560 000 voix en 2019. La « décennie noire », comme la qualifie le président Saied, devient un argument pour justifier l’éviction du parti.

Une chute électorale marquante :

  • 2011 : 1,5 million de voix, un plébiscite post-révolution.
  • 2019 : 560 000 voix, une érosion significative.

Le Coup de Force de 2021 : Un Tournant

Le 25 juillet 2021 marque un tournant. En suspendant le Parlement, Kais Saied s’attaque directement au parti islamiste, alors majoritaire à l’Assemblée. Une image reste gravée dans les mémoires : celle du chef du parti, interdit d’accès au Parlement par des soldats. Ce moment symbolise l’effondrement de son influence.

Depuis, le président Saied évite de nommer directement le mouvement, préférant dénoncer une période de gouvernance marquée par la corruption et l’instabilité. Ses discours, centrés sur la nécessité de « juger ceux qui ont nui au pays », trouvent un écho auprès d’une population désabusée par des années de crises.

« Dès que la liberté reviendra, le parti retrouvera sa force et sa présence. »

Riadh Chaïbi, conseiller politique

Mais la répression ne se limite pas au parti islamiste. L’opposition dans son ensemble, qu’elle soit de gauche ou de droite, subit un sort similaire. Des figures politiques, médiatiques et économiques sont emprisonnées, dans ce que certains décrivent comme une chasse aux voix dissidentes.

Une Résilience Historique

Le parti n’en est pas à sa première épreuve. Sous les présidents Bourguiba et Ben Ali, il a survécu à la clandestinité, ses membres emprisonnés ou exilés. Son chef, condamné à la perpétuité dans le passé, incarne cette capacité à résister. Cette histoire nourrit l’optimisme de certains cadres, qui voient dans la crise actuelle une simple parenthèse.

Pour l’historien Abdellatif Hannachi, le parti « plie face à la tempête » mais attend des conditions plus favorables pour se relever. Cette stratégie d’attente contraste avec l’effervescence des premières années post-révolution, mais elle reflète une pragmatisme forgé par des décennies d’adversité.

Période Événement Impact
2011 Victoire électorale Domination politique
2021 Suspension du Parlement Perte d’influence
2023 Arrestation du chef Crise interne

Une Opposition Fragmentée

Si le parti islamiste souffre, il n’est pas seul. L’opposition tunisienne, toutes tendances confondues, est en lambeaux. Les tentatives de créer un front commun, comme l’appel à manifester le 25 juillet, se heurtent à des désaccords profonds. Cette fragmentation affaiblit toute tentative de contester le pouvoir en place.

Pour certains, comme Kamel Jendoubi, ancien ministre, le régime actuel ne fait pas de distinction entre ses adversaires. « Il veut faire taire tout ce qui pense, critique, résiste », écrit-il sur les réseaux sociaux. Cette répression généralisée complique toute tentative de renouveau politique.

Un Avenir Incertain

Alors, quel avenir pour le parti islamiste ? Si sa base électorale s’est érodée et son organisation fragilisée, son passé de résilience et sa structure en font toujours un acteur à ne pas sous-estimer. Les analystes divergent : pour certains, il reste le plus grand parti dans un paysage politique éclaté ; pour d’autres, son retour dépendra d’un changement de contexte.

La Tunisie, elle, reste suspendue à un équilibre précaire. Entre un pouvoir autoritaire et une opposition désunie, le vide politique pourrait ouvrir la voie à des forces nouvelles… ou au retour de celles que l’on croyait disparues.

Les défis du parti :

  • Répression : Arrestations et exils massifs.
  • Érosion électorale : Perte de popularité depuis 2011.
  • Fragmentation : Difficulté à fédérer l’opposition.

En attendant, le parti islamiste mise sur sa capacité à survivre, tapi dans l’ombre, prêt à saisir la prochaine opportunité. La Tunisie, quant à elle, reste à la croisée des chemins, entre autoritarisme et aspirations démocratiques. L’histoire de ce mouvement, intimement liée à celle du pays, n’est peut-être pas encore terminée.

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