Imaginez-vous à quelques jours d’une élection cruciale dans un pays d’Amérique centrale déjà sous tension. Et soudain, depuis les États-Unis, une voix tonitruante se fait entendre et désigne clairement son favori. C’est exactement ce qui vient de se produire au Honduras : Donald Trump a décidé de prendre parti, publiquement et sans détour, dans la course à la présidence.
Une ingérence assumée à la veille du scrutin
Le président américain n’a pas hésité une seconde. Sur son réseau Truth Social, il a appelé les Honduriens à voter pour Nasry Asfura, le candidat du Parti National, présenté comme le « seul vrai ami de la liberté ». Dans le même message, il a fermé la porte à toute collaboration future avec Rixi Moncada, la candidate de la gauche, qualifiée sans ambages de communiste.
Cette prise de position intervient alors que les sondages placent les trois principaux candidats quasiment à égalité. Un scrutin à un tour, des accusations croisées de fraude, une violence endémique liée aux narcotrafiquants : le contexte est déjà explosif. L’intervention de Trump ajoute une dimension internationale inattendue.
Qui sont les trois favoris ?
Pour comprendre l’ampleur du choc, il faut d’abord connaître les protagonistes.
Nasry Asfura, 67 ans, surnommé « Tito », est un entrepreneur du bâtiment et ancien maire de Tegucigalpa. Il représente le Parti National, le même qui a porté au pouvoir Juan Orlando Hernández, aujourd’hui emprisonné aux États-Unis pour 45 ans pour trafic de drogue massif. Asfura, lui, assure vouloir « sauver la démocratie ».
Rixi Moncada, 60 ans, avocate et figure de la gauche, ambitionne de succéder à l’actuelle présidente Xiomara Castro. Elle promet une fiscalité plus lourde sur les plus riches et rejette fermement l’étiquette communiste que ses adversaires lui collent.
Salvador Nasralla, 72 ans, célèbre présentateur de télévision reconverti en politique, se présente comme une alternative de droite mais indépendante. Trump lui reproche son alliance passée avec Xiomara Castro en 2021 avant une rupture spectaculaire.
Les mots très durs de Donald Trump
« Je ne pourrais pas travailler avec Rixi Moncada et les communistes »
Cette phrase, postée sans filtre, résume l’état d’esprit du président américain. Il va plus loin en accusant Salvador Nasralla de jouer un double jeu : faire semblant d’être anticommuniste uniquement pour grignoter des voix à Asfura.
Trump conclut même son message en liant le sort du Honduras à celui du Venezuela : « Maduro et les narcoterroristes vont-ils s’emparer d’un autre pays ? » Une rhétorique qui rappelle la doctrine Monroe version 2025.
Les réactions immédiates des candidats
Nasry Asfura n’a pas tardé à remercier publiquement son puissant soutien : « Merci beaucoup pour le soutien. Nous sommes déterminés à défendre notre démocratie, notre liberté et les valeurs qui font la grandeur de notre pays. » Un message qui résonne comme une validation internationale précieuse.
Salvador Nasralla, lui, a répondu directement sur X en tendant la main : il assure à Trump qu’il serait « un allié » en cas de victoire et qu’il pourrait travailler avec Asfura contre les « narcocommunistes ».
Rixi Moncada a choisi la dignité : sans nommer Trump, elle a dénoncé ceux qui la qualifient de communiste simplement parce qu’elle veut taxer davantage les plus riches. Une réponse sobre face à l’orage.
Un passé sulfureux qui resurgit
Le Parti National traîne comme un boulet l’héritage de Juan Orlando Hernández. Condamné à 45 ans de prison aux États-Unis pour avoir transformé le Honduras en narco-État, l’ancien président reste une ombre pesante sur la campagne d’Asfura.
Le candidat lui-même a vu son nom apparaître dans des affaires de corruption et dans les Panama Papers pour évasion fiscale. Des accusations qu’il balaie d’un revers de main : « Chacun répond pour ses actes. »
Cette proximité avec un parti éclaboussé par le narcotrafic rend le soutien de Trump d’autant plus paradoxal aux yeux de nombreux observateurs.
Le Honduras, pays en crise permanente
Pour comprendre pourquoi cette élection passionne autant Washington, il faut regarder la réalité du terrain. Le Honduras reste l’un des pays les plus violents d’Amérique latine hors zone de guerre. Les gangs Mara Salvatrucha et Barrio 18 contrôlent des quartiers entiers. Le trafic de drogue vers les États-Unis transite massivement par son territoire.
La pauvreté touche plus de 60 % de la population. Les caravanes de migrants qui partent vers le nord sont un symptôme criant de ce désespoir. Qui contrôlera ce pays stratégique a donc une importance directe pour la sécurité américaine.
Une posture résolument interventionniste
Donald Trump ne s’en cache pas : l’Amérique latine fait partie de la sphère d’influence naturelle des États-Unis. Depuis son retour au pouvoir, il a multiplié les gestes forts dans la région.
Le déploiement du plus grand porte-avions du monde dans les Caraïbes, accompagné d’une flottille impressionnante, n’a rien d’une simple opération antidrogue. C’est aussi un message clair adressé au Venezuela… et par extension à tous les gouvernements de gauche du continent.
Cette intervention directe dans la campagne hondurienne s’inscrit dans cette logique : empêcher à tout prix une nouvelle victoire de la gauche, perçue comme une menace existentielle.
Un scrutin sous haute tension
À quelques jours du vote, les trois candidats se tiennent dans un mouchoir de poche. Chacun accuse les autres de préparer la fraude. Les observateurs internationaux s’inquiètent déjà de la fiabilité du processus.
L’entrée en scène de Trump change la donne. Son soutien peut galvaniser l’électorat conservateur, mais il risque aussi de mobiliser massivement l’électorat de gauche, qui y verra une ingérence impérialiste intolérable.
Le résultat de dimanche pourrait bien dépendre, en partie, de cette déclaration tonitruante venue de Washington.
Une chose est sûre : rarement une élection hondurienne n’avait attiré autant l’attention mondiale. Et rarement un président américain n’avait pris le risque de s’inviter aussi brutalement dans une campagne étrangère à moins d’une semaine du scrutin.
Le Honduras retient son souffle. Le monde observe. Et Donald Trump, une fois de plus, impose sa marque sur la scène internationale.
Dimanche, les Honduriens ne voteront pas seulement pour leur prochain président. Ils voteront aussi, indirectement, sur la question de savoir jusqu’où les États-Unis peuvent encore influencer le destin de l’Amérique latine en 2025.









