C’est un spectre qui hante les sommets enneigés de Davos cette année. Depuis l’annonce choc du retour au pouvoir de Donald Trump, l’inquiétude est palpable parmi les grands de ce monde réunis au Forum économique mondial. Entre les cocktails et les conférences, une question est sur toutes les lèvres : quelles seront les conséquences du come-back de l’imprévisible milliardaire à la Maison Blanche ?
Trump, le grand perturbateur
Pendant son premier mandat, Donald Trump avait déjà secoué la diplomatie et l’économie mondiale, enchaînant les décisions unilatérales, les coups d’éclat et les bras de fer commerciaux. Son style abrupt et iconoclaste avait déstabilisé bien des dirigeants. Beaucoup craignent aujourd’hui de revivre ce scénario. « L’angoisse provoquée par le retour de Trump est palpable depuis le début de la semaine », confie sous couvert d’anonymat un grand patron du CAC40 présent à Davos.
Dès son discours d’investiture lundi, le 47ème président des États-Unis a donné le ton, fustigeant le multilatéralisme et promettant de remettre « l’Amérique d’abord ». De quoi faire frémir dans les travées du forum, temple de la mondialisation heureuse. « Jamais un absent n’a été aussi présent à Davos » résume un habitué. Pourtant physiquement absent, Trump a réussi à dicter l’agenda.
L’Europe en première ligne
Les Européens sont particulièrement fébriles. Ils avaient déjà subi de plein fouet les assauts de l’ancien président contre le libre-échange et l’OTAN. Aujourd’hui, ils redoutent une nouvelle vague de taxes et un affaiblissement supplémentaire de l’Alliance atlantique.
L’Europe doit plus que jamais rester unie et défendre ses intérêts face à l’administration Trump.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne
Mais les avis divergent sur la stratégie à adopter, entre fermeté et main tendue. Emmanuel Macron a plaidé pour un « dialogue exigeant » avec Washington. La chancelière allemande Olaf Scholz semble elle privilégier l’apaisement, espérant préserver les exportations de son pays outre-Atlantique.
Inquiétudes pour l’économie mondiale
Au-delà des enjeux géopolitiques, c’est la santé de l’économie mondiale qui préoccupe les décideurs. Avec un président américain adepte du protectionnisme, beaucoup redoutent un coup d’arrêt à la reprise post-Covid. Les marchés financiers sont déjà fébriles.
Une guerre commerciale initiée par Trump serait désastreuse pour la croissance mondiale, déjà fragile.
Kristalina Georgieva, directrice du FMI
La volatilité des cours du pétrole et des matières premières, très sensibles aux tensions internationales, fait aussi craindre un regain d’inflation. De quoi assombrir les perspectives pour 2025, malgré les efforts de communication des émissaires américains pour rassurer leurs partenaires.
Vers un nouveau rapport de force mondial ?
Plus largement, le retour de « l’éléphant Trump dans le magasin de porcelaine des relations internationales » comme le décrit un diplomate, risque de rebattre les cartes du jeu mondial. La Chine et la Russie, cibles privilégiées des foudres trumpiennes, suivent la situation de près, oscillant entre inquiétude et opportunisme.
À l’inverse, certains pays comme le Brésil ou Israël voient d’un bon oeil le retour d’un allié à la Maison Blanche. Le président brésilien Jair Bolsonaro, surnommé le « Trump des Tropiques », espère relancer l’axe conservateur américano-brésilien. Des réalignements stratégiques sont à prévoir.
L’énigme Trump
Mais prédire la politique étrangère de Donald Trump relève de la gageure. L’ex-président n’a jamais été un modèle de constance et de cohérence idéologique. Ses décisions, souvent prises sur un coup de tête, prennent de court ses propres conseillers. Un style impulsif qui angoisse les amateurs de stabilité.
Pour autant, certains veulent croire que son deuxième mandat sera plus pragmatique et prévisible. « Trump a gagné en maturité politique. Il a aussi besoin d’apaisement sur la scène internationale pour se concentrer sur son agenda intérieur » veut croire un proche de l’administration républicaine.
Rassurer sans se montrer naïf, dialoguer sans se soumettre… C’est sur cette ligne de crête que tentent d’avancer les dirigeants réunis à Davos, conscients que la planète Trump est à nouveau entrée en orbite. Avec un sentiment mêlé de fatalité et d’espoir : celle de garder un lien, même ténu, avec l’homme le plus puissant du monde. En attendant son prochain tweet.
