Imaginez la scène : un hélicoptère militaire américain surgit au-dessus d’un gigantesque pétrolier en pleine mer des Caraïbes. Des soldats lourdement armés descendent en rappel sur le pont. Quelques heures plus tard, Donald Trump annonce devant les caméras du monde entier que les États-Unis viennent de réaliser « la plus grande saisie de pétrolier de l’histoire ». L’histoire pourrait sortir d’un film hollywoodien. Pourtant, elle s’est déroulée en décembre 2025.
Une saisie spectaculaire qui fait monter la tension d’un cran
Mercredi, depuis la Maison Blanche, le président américain a lâché la nouvelle comme une bombe. « Nous venons tout juste de saisir un pétrolier au large du Venezuela, un grand pétrolier, très grand, le plus grand jamais saisi », a-t-il déclaré avec son style habituel. Sans donner ni le nom du navire, ni sa destination exacte, il a simplement ajouté qu’il avait été capturé « pour de très bonnes raisons » et que les États-Unis comptaient conserver la cargaison.
Cette opération marque un tournant. Jusqu’à présent, Washington multipliait les sanctions économiques et les déploiements militaires dans la région. Mais saisir physiquement un tanker en haute mer, c’est franchir un cap symbolique et juridique majeur.
Caracas dénonce un « vol éhonté » et une « piraterie d’État »
La réaction vénézuélienne ne s’est pas fait attendre. Le ministère des Affaires étrangères a publié un communiqué incendiaire qualifiant l’opération d’« acte de piraterie internationale » et de « vol éhonté » annoncé publiquement par le président des États-Unis lui-même.
« Avec cet acte criminel, le président américain montre que son objectif a toujours été de s’emparer du pétrole vénézuélien sans verser la moindre contrepartie. »
Communiqué du ministère vénézuélien des Affaires étrangères
Diosdado Cabello, ministre de l’Intérieur et figure forte du régime, a été encore plus virulent lors de son émission télévisée hebdomadaire. « Ce sont des assassins, des voleurs, des pirates. Comment s’appelle ce film, Pirates des Caraïbes ? Eh bien Jack Sparrow est un héros, ceux-là sont des criminels des mers », a-t-il lancé sous les applaudissements de son public.
Pourquoi ce pétrolier était-il dans le viseur américain ?
La ministre américaine de la Justice, Pam Bondi, a apporté quelques précisions sur X (ex-Twitter). Selon elle, le navire était sous sanctions depuis plusieurs années « en raison de son implication dans un réseau illicite d’expédition de pétrole soutenant des organisations terroristes étrangères ».
Elle affirme que le tanker transportait du pétrole soumis à embargo, provenant à la fois du Venezuela et… de l’Iran. Un cocktail explosif pour Washington, qui voit dans ces échanges un contournement direct de ses sanctions et un financement indirect de groupes qu’il qualifie de terroristes.
L’opération a été menée par le FBI avec l’appui du département de la Défense. Une vidéo diffusée montre clairement des agents armés débarquant d’un hélicoptère sur le pont du navire, dans une mise en scène digne des grandes opérations antiterroristes.
Un embargo renforcé depuis le retour de Trump
Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a immédiatement révoqué les assouplissements accordés en 2023. À l’époque, l’administration Biden avait délivré des licences permettant à certaines compagnies de reprendre leurs activités au Venezuela. Ces autorisations ont été annulées dès les premiers jours du nouveau mandat.
Résultat : le Venezuela est contraint d’écouler son pétrole sur le marché noir, principalement vers la Chine, à des prix bien inférieurs au cours mondial. Une saisie spectaculaire comme celle-ci risque de dissuader encore plus les acheteurs potentiels, déjà rares.
Selon le représentant commercial de l’Union européenne au Venezuela, Jaime Luis Socas, les achats européens de brut vénézuélien pourraient chuter de 75 % en 2025, passant de 1,535 milliard d’euros en 2024 à seulement 383 millions.
Le timing ne doit rien au hasard
L’opération a eu lieu le jour même où l’opposante vénézuélienne Maria Corina Machado recevait le prix Nobel de la paix à Oslo. Lors de la cérémonie, elle a dédié son prix à Donald Trump, qu’elle considère comme un allié dans la lutte contre le régime de Nicolas Maduro.
À Caracas, Nicolás Maduro a réuni ses partisans dans la rue le même jour pour dénoncer « l’interventionnisme illégal et brutal » des États-Unis en Amérique latine, sans mentionnant à peine la saisie du pétrolier, comme s’il voulait minimiser l’événement.
Une longue histoire de tensions maritimes
Ce n’est pas la première fois que Washington intervient directement en mer contre des navires liés au Venezuela. Ces dernières années, les États-Unis ont détruit une vingtaine d’embarcations soupçonnées de trafic de drogue dans les Caraïbes, avec un bilan humain lourd – 87 morts selon Caracas.
Le régime vénézuélien y voit une stratégie globale visant à l’asphyxier économiquement pour provoquer un changement de régime et s’emparer des plus grandes réserves pétrolières prouvées au monde.
Le saviez-vous ? Le Venezuela possède officiellement les plus grandes réserves de pétrole brut de la planète, devant l’Arabie saoudite. Pourtant, le pays traverse l’une des pires crises économiques de son histoire, avec une production tombée à 1,1 million de barils par jour contre plus de 3 millions il y a quinze ans.
Quelles conséquences à venir ?
La saisie de ce pétrolier pourrait n’être que le début d’une série d’opérations similaires. En frappant directement les flux financiers du régime, Washington espère accentuer la pression interne sur Nicolás Maduro, dont Donald Trump affirme que « les jours sont comptés ».
Du côté vénézuélien, cette opération risque de galvaniser les soutiens du pouvoir, qui y verront une nouvelle preuve de l’impérialisme américain. Reste à savoir si Caracas dispose encore des moyens – diplomatiques, militaires ou économiques – pour riposter efficacement.
Une chose est sûre : la mer des Caraïbes n’a jamais aussi bien mérité son surnom de « mer des conflits ». Entre navires fantômes, pétroliers sous faux pavillon et opérations spéciales, la région est devenue un échiquier géopolitique où chaque baril compte.
Et pendant ce temps, le pétrole continue de couler… ou plutôt de ne plus couler aussi librement qu’auparavant.









