Le président américain Donald Trump a créé une nouvelle polémique dès son investiture en signant un décret visant à remettre en cause le droit du sol, un principe fondateur appliqué depuis plus de 150 ans aux États-Unis. Une décision lourde de conséquences qui pourrait bien remodeler en profondeur l’identité de ce pays.
Le droit du sol, un pilier de l’identité américaine
Consacré par le 14e amendement de la Constitution après la Guerre de Sécession, le droit du sol stipule que toute personne née sur le territoire américain obtient automatiquement la citoyenneté, quels que soient le statut ou la nationalité de ses parents. Un principe d’ouverture et d’intégration qui a fortement contribué à façonner la société américaine telle qu’on la connaît.
Comme l’explique Gil Guerra, analyste au Niskanen Center, le droit du sol « a favorisé l’assimilation en donnant aux gens nés ici un sentiment immédiat d’appartenance » et « impose aux enfants d’immigrés la responsabilité de se considérer comme des Américains et d’être patriotes ». Un atout majeur pour la cohésion d’un pays réputé pour l’attachement de ses citoyens au drapeau.
Un décret qui divise et inquiète
En ordonnant de revenir sur ce droit, Donald Trump s’attaque donc à un symbole de l’Amérique. Son décret interdirait de délivrer des documents officiels aux enfants nés de mères en situation irrégulière ou de passage, et dont le père n’a pas la citoyenneté ou la résidence permanente. Une mesure jugée discriminatoire par ses opposants.
Au-delà des vives polémiques suscitées, c’est un véritable séisme pour des millions de personnes. Comme le souligne Aaron Reichlin-Melnick de l’American Immigration Council, le décret ne toucherait pas seulement les enfants d’immigrés mais compliquerait la vie de tous : « Avant, tout ce dont vous aviez besoin était un acte de naissance prouvant que vous êtes né ici. Maintenant, vous devez présenter de nombreux documents sur votre ascendance et la citoyenneté de vos parents ».
Des conséquences multiples pour le pays
Si elle est maintenue, la remise en cause du droit du sol par Donald Trump pourrait avoir des répercussions majeures à long terme pour les États-Unis :
- Un risque de fragmentation de la société et d’affaiblissement de la cohésion nationale
- Des pénuries de main d’œuvre dans des secteurs clés comme l’agriculture ou le BTP
- Un problème pour le financement des programmes sociaux avec moins d’actifs
- Des difficultés de recrutement pour l’armée qui a besoin d’une population jeune
Autant d’enjeux cruciaux pour l’avenir de la première puissance mondiale, qui doit aussi faire face au défi du vieillissement et de la dénatalité. En fermant la porte à une partie de sa jeunesse, l’Amérique prend le risque de se priver de précieux atouts.
Vers un bras de fer judiciaire
En signant son décret, Trump savait qu’il allait au devant de fortes résistances. Dès le lendemain, 22 États ont contesté le texte en justice. Porté par les démocrates, le dossier devrait remonter jusqu’à la Cour suprême pour un bras de fer décisif.
Jusqu’ici, un large consensus existait chez les juristes sur le caractère intouchable du 14e amendement. Mais avec la nouvelle majorité conservatrice façonnée par Trump à la Cour suprême, plus rien n’est garanti. Selon Amanda Frost, professeur de droit à l’Université de Virginie, un maintien du décret par ces juges n’est plus une hypothèse « inconcevable, contrairement à ce que j’aurais dit en 2019 ».
Un symbole attaqué, une identité questionnée
Au final, en s’en prenant au droit du sol, c’est un des piliers du « rêve américain » et du creuset états-unien que Donald Trump tente d’abattre. Une décision clivante, à l’image d’une Amérique de plus en plus divisée sur les questions d’immigration et d’identité.
Notre identité politique repose depuis des siècles sur le principe que si vous êtes né aux États-Unis, vous êtes un Américain.
– Gil Guerra, analyste au Niskanen Center
Dans un pays fondé et construit par des générations de migrants, la remise en cause de ce principe fondamental ne peut qu’interpeller. D’autant qu’elle intervient sous la présidence d’un homme ayant fait de la lutte contre l’immigration son cheval de bataille. Même si la bataille judiciaire s’annonce longue, ce décret en dit déjà beaucoup sur les débats qui agitent l’Amérique d’aujourd’hui et questionnent son identité profonde pour demain.