Imaginez la scène : vous venez de sauver un homme et sa femme d’une peine de quinze ans de prison d’un simple trait de stylo. Vous pensez qu’il va au minimum vous dire merci, peut-être même rejoindre votre camp. Et là, quelques jours plus tard, il annonce tranquillement qu’il reste fidèle à ceux qui voulaient l’envoyer derrière les barreaux. C’est exactement ce qui vient d’arriver à Donald Trump avec le député texan Henry Cuellar.
Une colère présidentielle en direct sur Truth Social
Le message est tombé comme un coup de tonnerre mercredi soir. Donald Trump, encore président depuis quelques semaines seulement, a littéralement explosé sur son réseau favori.
« Un tel manque de LOYAUTÉ, c’est quelque chose que les électeurs du Texas n’apprécieront pas. Eh bien, la prochaine fois, fini d’être M. Gentil ! »
Ces mots, écrits en majuscules pour certains, résument parfaitement l’état d’esprit du locataire de la Maison Blanche. Il avait pourtant signé la grâce présidentielle de Henry Cuellar et de son épouse seulement quelques jours plus tôt, annulant des poursuites fédérales pour corruption et blanchiment d’argent.
Que reproche exactement Trump à Cuellar ?
Dans l’esprit de Donald Trump, la logique était simple : un démocrate conservateur du Texas, accusé sous l’administration Biden, sauvé par un président républicain, devait naturellement basculer dans la majorité. Surtout dans un État aussi disputé que le Texas à l’approche des élections de mi-mandat de 2026.
Mais Henry Cuellar a choisi une tout autre voie. Invité sur Fox News dimanche, il a affirmé calmement qu’il restait démocrate et qu’il continuerait à travailler « pour ce qui est juste pour le pays », quel que soit le parti au pouvoir.
Une position qui peut sembler raisonnable vue de l’extérieur. Absolument intolérable pour Donald Trump.
Qui est vraiment Henry Cuellar ?
Henry Cuellar représente le 28e district du Texas au Congrès depuis 2005. C’est l’un des derniers démocrates « Blue Dog » encore en vie politique, ces élus du Sud souvent plus conservateurs que certains républicains modérés.
Il vote régulièrement contre son parti sur :
- Le contrôle des armes à feu
- La politique migratoire (il défend une ligne dure à la frontière)
- L’avortement (il est pro-life)
- Les dépenses budgétaires excessives
Dans n’importe quel autre État, il serait probablement républicain. Mais au Texas, où les primaires démocrates sont parfois plus faciles dans certains districts à forte population hispanique, il a bâti sa carrière sous cette étiquette démocrate.
Retour sur l’affaire judiciaire qui a tout changé
En mai 2024, sous la présidence Biden, Henry Cuellar et son épouse Imelda sont inculpés pour avoir reçu près de 600 000 dollars de pots-de-vin provenant d’une banque mexicaine et d’une compagnie pétrolière publique azerbaïdjanaise. Les faits reprochés remontent à la période 2014-2021.
Le procès était programmé pour avril 2026. Avec une possible peine maximale de quinze ans de prison. Autant dire que l’avenir politique du couple semblait scellé.
Puis Donald Trump revient à la Maison Blanche en janvier 2025 et, dès les premiers jours de son mandat, signe une série de grâces présidentielles très commentées. Henry Cuellar en fait partie.
Pourquoi Trump a-t-il gracié Cuellar ? Les coulisses
Selon plusieurs sources proches du dossier, trois raisons ont motivé cette grâce surprise :
- Cuellar avait déjà voté avec Trump sur plusieurs textes majeurs lors de son premier mandat (notamment sur l’immigration).
- Le Texas est un État clé pour conserver la majorité à la Chambre en 2026.
- Montrer que Trump pouvait tendre la main même à des adversaires politiques, tout en espérant un retour d’ascenseur.
Le calcul semblait gagnant-gagnant. Il s’est révélé perdant-perdant aux yeux du président.
La réponse calme et calculée de Cuellar
Dimanche matin, face à une journaliste de Fox News visiblement surprise, Henry Cuellar a livré une défense posée :
« Si le président réussit, le pays réussit. Je ne vote pas pour un parti. Je vote pour ce qui est juste pour le pays. »
Il a ajouté qu’il continuerait à travailler avec la majorité républicaine quand les projets seraient bons pour le Texas, mais qu’il ne changerait pas d’étiquette pour autant.
Une posture qui lui permet de garder sa base démocrate tout en continuant à dialoguer avec les républicains. Un équilibre délicat, mais qui a fonctionné pendant vingt ans.
Le contexte texan : pourquoi cette affaire prend une telle ampleur
Le Texas va vivre des élections législatives ultra-serrées en novembre 2026. La nouvelle carte électorale, validée la semaine dernière par la Cour suprême, favorise clairement les républicains en diluant certains districts démocrates.
Mais le district de Cuellar, à forte majorité hispanique et frontalière (Laredo, Eagle Pass…), reste l’un des rares bastions démocrates du sud de l’État. Le perdre serait un coup dur symbolique et pratique pour les républicains.
D’où la colère de Trump : il pensait avoir retourné un siège clé. Raté.
Les réactions dans les deux camps
Chez les républicains texans, on oscille entre colère et fatalisme. Certains élus locaux estiment que Trump a eu raison de tenter le coup, mais que Cuellar reste « un démocrate jusqu’au bout des ongles ».
Du côté démocrate, on respire. Perdre Cuellar aurait été une catastrophe dans un État qui bascule lentement mais sûrement vers le rouge.
Même les plus progressistes du parti, qui détestent Cuellar pour ses positions conservatrices, se réjouissent en privé de le voir rester dans le giron démocrate.
Et maintenant ? Les scénarios possibles
Plusieurs hypothèses circulent déjà dans les couloirs du Congrès :
- Trump pourrait pousser un candidat républicain fort contre Cuellar en 2026, rendant la primaire démocrate plus facile mais l’élection générale très dure.
- Cuellar pourrait négocier en coulisses des postes ou des financements fédéraux pour son district en échange de certains votes.
- Le président pourrait tout simplement laisser tomber et se concentrer sur d’autres sièges plus accessibles.
Une chose est sûre : cette affaire n’est qu’un début. À dix-huit mois des midterms, chaque siège compte, et chaque geste est scruté.
L’histoire d’Henry Cuellar et de la colère de Donald Trump illustre parfaitement la nouvelle ère politique américaine : plus rien n’est acquis, même une gratitude après une grâce présidentielle.
Et quelque part, dans un bureau de Laredo, un député démocrate conservateur doit se dire que, finalement, il a peut-être joué le bon coup. Rester soi-même, même quand tout le monde attend que vous changiez de camp.
À suivre, évidemment.









