Imaginez la scène : une salle de réunion à la Maison Blanche, des conseillers autour de la table, et soudain, le président des États-Unis qui lâche, sans filtre : « Leur pays est pourri. » Pas de détour, pas de diplomatie. Donald Trump vient de désigner la Somalie comme un État en décomposition totale, et ses habitants comme indésirables sur le sol américain. Ces mots, prononcés mardi, ont immédiatement fait le tour du monde.
Une sortie qui ne surprend plus, mais qui choque toujours
Depuis son retour à la présidence, Donald Trump n’a jamais mâché ses mots sur l’immigration. Mais cette fois, il franchit un nouveau palier. En plein scandale financier dans le Minnesota, il profite de l’occasion pour régler ses comptes avec un pays entier et avec une partie de sa diaspora installée aux États-Unis.
Le contexte ? Plus d’un milliard de dollars détournés dans des programmes d’aide sociale, via de faux organismes prétendument destinés à nourrir des enfants. Selon les enquêteurs, une grande partie de cette fraude aurait été orchestrée par des membres de la communauté somalienne de l’État. Pour Trump, c’est la preuve irréfutable que « ces gens-là » n’ont rien à faire en Amérique.
Le scandale du Minnesota : plus d’un milliard volatilisé
Revenons aux faits. Dans le Minnesota, État qui abrite la plus grande communauté somalienne des États-Unis (plus de 80 000 personnes), une enquête a révélé l’un des plus gros détournements de fonds publics de l’histoire récente du pays.
Des associations bidons, des factures fictives, des valises d’argent liquide qui quittaient le pays… Le schéma était bien rodé. Des programmes fédéraux destinés à nourrir les enfants défavorisés pendant la pandémie ont été détournés à une échelle industrielle.
Les chiffres donnent le vertige :
- Plus de 1,2 milliard de dollars disparus
- Des centaines de faux organismes créés
- Des millions transférés vers des comptes à l’étranger
- Une partie de l’argent aurait servi à financer des groupes armés en Somalie
Pour Donald Trump, ce n’est pas qu’un scandale financier. C’est la démonstration que l’immigration en provenance de certains pays représente une menace existentielle pour les États-Unis.
« Ils n’ont rien, ils ne font que s’entre-tuer »
Les mots sont crus. Brutaux. Presque caricaturaux. Et pourtant, ce sont bien ceux qu’a employés le président américain lors de cette réunion gouvernementale.
« En Somalie, ils n’ont rien, ils ne font que s’entre-tuer. Leur pays ne vaut rien pour une raison ou une autre. Leur pays est pourri, et nous ne voulons pas d’eux chez nous. »
Donald Trump, président des États-Unis
Cette phrase, prononcée devant ses collaborateurs, résume à elle seule la vision trumpienne de l’immigration venue du « tiers-monde » : un danger, une charge, une invasion.
Il ira plus loin encore : « Nous sommes à un point de bascule. Si nous continuons à accueillir des déchets dans notre pays, nous ferons le mauvais choix. » Le mot est lâché. Déchets. Appliqué à des êtres humains.
Ilhan Omar dans le viseur : une attaque personnelle
Mais Trump ne s’arrête pas là. Il désigne une cible précise : Ilhan Omar, élue démocrate du Minnesota, née à Mogadiscio, réfugiée aux États-Unis à l’âge de 12 ans, et devenue l’une des figures les plus critiques de son administration.
« Ilhan Omar est une ordure. Ses amis sont des ordures. Qu’ils retournent d’où ils viennent et qu’ils règlent leurs problèmes là-bas. »
Ces mots ne sont pas nouveaux. Dès 2019, Trump avait déjà lancé son célèbre « qu’elles rentrent chez elles » à l’encontre du « Squad », ce groupe de quatre élues progressistes issues de minorités, dont Ilhan Omar et Alexandria Ocasio-Cortez.
Six ans plus tard, rien n’a changé. Au contraire. L’attaque est plus directe, plus personnelle, plus haineuse.
La Somalie : un pays en ruines depuis trente-cinq ans
Pour comprendre la violence du propos, il faut aussi regarder ce qu’est devenue la Somalie. Depuis l’effondrement de l’État central en 1991, le pays est plongé dans un chaos quasi permanent.
Guerre civile, famines récurrentes, piraterie, terrorisme shebab, corruption endémique… Selon l’ONU, près de 70 % de la population vit dans une pauvreté multidimensionnelle extrême.
Et pourtant, des millions de Somaliens ont fui. Les États-Unis ont accueilli plusieurs vagues de réfugiés, notamment dans les années 1990 et 2000. Le Minnesota, avec son climat rigoureux et ses programmes sociaux généreux, est devenu une terre d’accueil inattendue pour cette communauté.
Aujourd’hui, Minneapolis abrite la plus grande population somalienne hors d’Afrique. Une réussite d’intégration pour certains. Un échec retentissant pour d’autres.
Vers une interdiction totale de l’immigration du « tiers-monde » ?
La sortie de Trump ne vient pas de nulle part. La semaine précédente, un soldat afghan naturalisé américain a attaqué deux membres de la Garde nationale à Washington. Un acte isolé, mais qui a suffi à relancer la machine anti-immigration.
Le président a immédiatement annoncé son intention de « suspendre définitivement l’immigration en provenance de tous les pays du tiers-monde ». Une formule vague, mais lourde de sens.
Rappelons que dès juin dernier, son administration avait déjà imposé des restrictions de visas ou des interdictions d’entrée pour les ressortissants de 19 pays, dont la Somalie.
Cette fois, il semble vouloir aller beaucoup plus loin. Une interdiction globale, massive, fondée non plus sur des critères de sécurité, mais sur une vision racialisée et culturaliste du monde.
Un discours qui divise profondément l’Amérique
Ces propos ont immédiatement déclenché une tempête. D’un côté, les soutiens de Trump y voient enfin quelqu’un qui « dit la vérité ». De l’autre, ses adversaires dénoncent un racisme assumé, une xénophobie d’État.
Au Minnesota, la communauté somalienne, déjà sous tension après le scandale, se sent stigmatisée. Des manifestations ont eu lieu à Minneapolis. Des leaders communautaires appellent au calme, tout en reconnaissant la gravité des fraudes révélées.
Ilhan Omar, elle, n’a pas encore répondu publiquement. Mais on imagine sans mal la violence du choc.
Et maintenant ?
Ce qui est certain, c’est que Donald Trump vient de relancer, avec une brutalité rare, le grand débat américain sur l’immigration, l’identité, et la place des minorités dans la société.
Certains y voient la confirmation que l’Amérique est en train de basculer dans un nationalisme ethnique décomplexé. D’autres estiment que le président ne fait que répondre à une colère légitime face à des abus avérés.
Une chose est sûre : ces mots ne seront pas sans conséquences. Ni sur la politique intérieure américaine, ni sur les relations avec l’Afrique, ni sur le climat social déjà explosif dans certaines villes.
La question reste entière : jusqu’où ira Donald Trump dans cette logique de fermeture et de rejet ? Et surtout, l’Amérique est-elle prête à suivre ?
À suivre. De très près.









