Imaginez la scène : le président des États-Unis, costume impeccable, pose avec le trophée de la Coupe du monde comme s’il venait de la remporter lui-même. À ses côtés, le patron de la FIFA applaudit chaleureusement. Derrière eux, les drapeaux canadien et mexicain flottent discrètement. Ce n’est pas un photomontage. C’est la réalité que Donald Trump s’apprête à vivre ce vendredi à Washington, à la veille du tirage au sort du Mondial 2026.
Car si le football n’a jamais été la passion première du milliardaire – il préfère largement le golf et le football américain –, il a parfaitement compris tout le potentiel politique et diplomatique de l’événement planétaire qu’accueilleront les États-Unis, le Canada et le Mexique dans moins de deux ans.
Le Mondial 2026, nouvelle scène diplomatique de Trump
Dès son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a fait du sport un outil de pouvoir. Les Jeux olympiques de Los Angeles 2028, déjà. Et maintenant la Coupe du monde 2026. Deux méga-événements qui doivent incarner ce qu’il appelle « l’âge d’or de l’Amérique ».
Et pour cause : les États-Unis battront tous les records de vente de billets à ce stade de la compétition. Un argument brandi fièrement par le président jeudi soir. Une performance qui flatte son ego et renforce son message : sous son mandat, l’Amérique redevient grande, attirante, incontournable.
Des rencontres au sommet sous le signe du ballon rond
Le timing est parfait. Vendredi, Donald Trump recevra successivement le Premier ministre canadien Mark Carney et la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum. Officiellement, il s’agit de la cérémonie du tirage au sort. En réalité, ces tête-à-tête ont une tout autre portée.
L’accord de libre-échange nord-américain (ACEUM) arrive à échéance. Les deux pays voisins savent que le président américain est prêt à dégainer ses droits de douane s’il n’obtient pas satisfaction. Le Canada, en particulier, traîne encore les séquelles d’une campagne publicitaire anti-douanes qui avait fortement irrité Washington en octobre dernier.
« Une brève rencontre », a minimisé la porte-parole de Mark Carney. Traduction : on va essayer de limiter la casse.
Pour le Mexique et le Canada, l’enjeu est colossal : préserver un maximum d’avantages commerciaux tout en évitant l’escalade protectionniste. Le foot offre un cadre idéal pour désamorcer les tensions… ou les accentuer.
Gianni Infantino, l’allié précieux
Au centre de cette chorégraphie diplomatique : Gianni Infantino. Le président de la FIFA entretient une relation pour le moins démonstrative avec Donald Trump. Les deux hommes s’affichent régulièrement ensemble, sourire éclatant et accolades chaleureuses.
Cette proximité n’est pas anodine. Elle remonte à 2017, quand les États-Unis ont décroché l’organisation du Mondial aux côtés du Canada et du Mexique. À l’époque déjà, Jared Kushner, gendre et conseiller influent de Trump, avait joué un rôle déterminant dans les coulisses.
Aujourd’hui, ce même Jared Kushner reste un acteur clé des dossiers sensibles, du Moyen-Orient à l’Ukraine. Le sport et la géopolitique forment chez les Trump un mélange détonant et parfaitement assumé.
Quand Trump rêvait de réintégrer la Russie
Preuve de cette fusion entre ballon rond et realpolitik : Donald Trump avait un jour suggéré, lors d’une visite de Gianni Infantino à la Maison Blanche, que réintégrer la Russie dans les compétitions internationales pourrait constituer une « bonne motivation » pour que Moscou mette fin à la guerre en Ukraine.
Une déclaration qui avait fait bondir à l’époque. Mais qui illustre parfaitement la vision trumpienne : le sport comme levier diplomatique, comme carotte ou comme bâton. Tout est bon pour obtenir des résultats.
Un président sensible à la célébrité et à la mise en scène
Donald Trump n’a peut-être pas le foot chevillé au corps comme certains supporters sud-américains ou européens. En revanche, il adore la pompe, les trophées, les caméras. Cet été, il s’est fait un plaisir de remettre le trophée de la Coupe du monde des clubs – un exemplaire trônait d’ailleurs longtemps dans le Bureau ovale.
Plus récemment, il a reçu des mains de la FIFA le trophée officiel de la Coupe du monde. L’espace d’un instant, il a plaisanté : « Je pourrais le garder, non ? » La scène a été largement diffusée.
Et vendredi, cerise sur le gâteau : Donald Trump sera le tout premier récipiendaire du Prix de la paix de la FIFA. Une distinction qui tombe à pic pour celui qui assure avoir « réglé huit conflits » depuis son retour au pouvoir – et qui digère toujours mal de ne pas avoir eu le Nobel.
Cristiano Ronaldo invité à la table du pouvoir
Car si le président américain n’est pas un mordu de football, il reste ultra-sensible à la célébrité. Récemment, il a reçu Cristiano Ronaldo lors d’un dîner en l’honneur du prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane.
La Maison Blanche a même diffusé une vidéo – créée par intelligence artificielle – montrant le président de 79 ans et la star portugaise de 40 ans échanger quelques passes dans le Bureau ovale. Une mise en scène assumée, presque caricaturale, mais qui colle parfaitement à l’image que Trump veut renvoyer : celle d’un leader incontournable, entouré des plus grandes stars.
Le sport, vitrine du nationalisme trumpien
Au-delà des anecdotes people, le Mondial 2026 s’inscrit dans une stratégie plus large. Donald Trump préside personnellement le groupe de travail dédié à l’événement. Son objectif est clair : faire de cette Coupe du monde une démonstration de force américaine.
Tourisme, image internationale, fierté nationale : tout doit concourir à prouver que sa politique – protectionniste, nationaliste, assumée – porte ses fruits. Les retombées économiques seront colossales. Les stades seront pleins. Les caméras du monde entier braquées sur une Amérique triomphante.
Et tant pis si le format à 48 équipes fait grincer des dents les puristes. Tant pis si le football reste secondaire dans la culture sportive américaine. L’important, c’est le message : sous Donald Trump, l’Amérique organise, domine, impressionne.
En recevant ce vendredi les dirigeants canadien et mexicain sous l’œil des caméras, en posant avec Gianni Infantino, en recevant son Prix de la paix, Donald Trump ne fera pas seulement du spectacle.
Il posera les jalons d’une diplomatie nouvelle, où le sport devient une arme parmi d’autres. Une diplomatie brutale, théâtrale, mais qui pourrait bien porter ses fruits.
Le coup d’envoi du Mondial 2026 est encore loin. Mais à Washington, la partie a déjà commencé.
En résumé : Le Mondial 2026 n’est pas qu’une compétition sportive pour Donald Trump. C’est une opportunité unique de renegocier l’ACEUM en position de force, de redorer l’image américaine, de recevoir une distinction internationale et de transformer le football en outil de sa diplomatie très personnelle.









