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Transport Bétail en Mer : 40 ONG Exigent des Règles Urgentes

Près de 3 000 bovins bloqués un mois en mer, des dizaines de morts, un navire refusê par la Turquie… Quarante ONG viennent de lancer un cri d’alarme à l’Organisation maritime internationale. Ce que révèle leur lettre ouverte est effarant, et pourtant presque personne n’en parle. Vous allez comprendre pourquoi il est urgent d’agir avant la prochaine catastrophe…

Imaginez passer un mois entier enfermé dans une cage étroite, ballotté par les vagues, sans pouvoir vous allonger correctement, avec une chaleur étouffante et des odeurs suffocantes. Maintenant, imaginez que cela arrive à des milliers d’animaux vivants, sur des navires qui sillonnent les océans pendant des semaines. C’est la réalité cruelle du transport maritime de bétail, une pratique encore trop peu réglementée et qui vient de provoquer un nouveau scandale.

Une lettre ouverte qui ne passe pas inaperçue

Le 5 décembre, une quarantaine d’organisations non gouvernementales, parmi lesquelles Sea Shepherd France, la Fondation pour le bien-être animal et Robin des Bois, ont adressé une lettre ouverte à l’Organisation maritime internationale (OMI). Leur demande est claire : il faut créer d’urgence un code international spécifique pour le transport du bétail par voie maritime.

Pourquoi une telle urgence ? Parce que les exemples de souffrances extrêmes se multiplient, et le dernier en date a marqué les esprits.

L’affaire du Spiridon II : un mois d’errance et des animaux à l’agonie

Fin novembre, le cargo Spiridon II a fini par accoster en Libye avec près de 3 000 bovins uruguayens à son bord. Ces animaux avaient passé plus d’un mois bloqués en mer après que la Turquie eut refusé leur débarquement, invoquant des irrégularités dans les certificats sanitaires.

Pendant ces longues semaines, les conditions à bord se sont dégradées de façon dramatique. De nombreuses vaches étaient gestantes, rendant la situation encore plus critique. Selon la Fondation pour le bien-être animal, des dizaines de bovins sont morts durant le voyage.

Ce n’est pas un cas isolé. Ce type d’incident révèle un problème structurel bien plus large.

« Nous demandons, en urgence, que l’OMI élabore un code international pour le transport du bétail, pour protéger les marins, l’environnement et le bien-être des animaux vivants. »

Les 40 ONG signataires

Des conditions de transport indignes sur des navires à la dérive

Les ONG dénoncent une absence totale de réglementation spécifique au transport de bétail. Résultat : les animaux subissent un stress thermique extrême, des maladies qui se propagent rapidement, un confinement prolongé et une surpopulation chronique.

Certaines traversées durent jusqu’à plusieurs semaines, voire plus en cas de refus de port. Pendant ce temps, les animaux n’ont souvent ni espace suffisant ni ventilation adéquate.

Les déjections s’accumulent, la chaleur monte, l’ammoniac brûle les voies respiratoires. Pour les vaches, moutons ou chèvres embarqués, c’est un véritable enfer flottant.

Des navires vieillissants qui mettent tout le monde en danger

La flotte dédiée à ce commerce est particulièrement vétuste. L’âge moyen des navires transportant du bétail dépasse les 40 ans. Beaucoup sont d’anciens porte-conteneurs ou car-ferries reconvertis à la va-vite.

Ces coques rouillées subissent une corrosion accélérée à cause des urines et excréments hautement corrosifs. Les structures s’affaiblissent dangereusement au fil des années.

Conséquence : depuis les années 2000, au moins sept navires transportant du bétail ont coulé ou ont été perdus en mer. Des dizaines de marins ont perdu la vie, et des dizaines de milliers d’animaux ont péri dans des conditions atroces.

Quelques naufrages marquants :

  • 2002 – Le Al Salam Boccaccio 98 (Égypte) : plus de 1 000 morts humains
  • 2015 – Le Queen Hind (Mer Rouge) : 14 600 moutons noyés
  • 2019 – Le Queen Hind encore, cette fois en Roumanie : 14 000 animaux perdus
  • 2020 – Le Gulf Livestock 1 (Mer de Chine) : 41 marins disparus, 6 000 bovins noyés

L’OMI se retranche derrière les réglementations existantes

Contactée, l’Organisation maritime internationale n’a pas souhaité commenter directement la lettre. Elle rappelle simplement que tous les navires transportant des animaux doivent respecter les conventions SOLAS (sécurité de la vie humaine en mer) et MARPOL (prévention de la pollution).

Mais pour les ONG, ces textes généraux sont largement insuffisants. Ils n’abordent ni le bien-être animal, ni les spécificités du transport de bétail vivant, ni les risques accrus liés à l’âge et à la conversion des navires.

L’OMI précise que la mise en œuvre de toute nouvelle réglementation relève des États membres. Autrement dit, l’OMI peut proposer, mais ce sont les pays qui décident… ou non.

Un commerce opaque qui échappe à tout contrôle efficace

Le transport maritime de bétail concerne principalement l’exportation d’animaux vivants d’Amérique du Sud, d’Australie ou d’Europe vers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Des millions d’animaux traversent ainsi les océans chaque année.

Les contrôles vétérinaires sont souvent réalisés à l’embarquement, mais rarement pendant la traversée ou à l’arrivée, surtout si le navire fait escale dans plusieurs ports. Les refus d’accostage, comme pour le Spiridon II, deviennent alors des cauchemars prolongés.

Et quand un pays refuse le débarquement, le navire repart souvent errer en mer, à la recherche d’un autre acheteur, prolongeant d’autant la souffrance des animaux.

Pourquoi un code international dédié est indispensable

Les ONG proposent plusieurs mesures concrètes que pourrait inclure ce futur code :

  • Limitation stricte de la durée maximale des traversées
  • Normes précises de densité animale par mètre carré
  • Obligation de ventilation et de systèmes de refroidissement performants
  • Présence obligatoire d’un vétérinaire indépendant à bord
  • Interdiction d’embarquer des animaux gestants au-delà d’un certain stade
  • Retrait progressif des navires de plus de 25 ans
  • Contrôles renforcés avant, pendant et après le voyage

Sans ces règles contraignantes, les scandales continueront, préviennent-elles.

Car derrière chaque refus de port, derrière chaque naufrage, ce sont des vies – animales et humaines – qui sont sacrifiées sur l’autel d’un commerce qui privilégie le profit à la dignité.

La lettre des quarante ONG n’est pas seulement un appel à l’aide. C’est un ultimatum. La prochaine catastrophe est déjà en préparation quelque part dans un port d’embarquement. Reste à savoir si l’OMI et les États membres choisiront enfin d’agir avant qu’il ne soit trop tard.

(Article mis à jour le 11 décembre 2025 – sources vérifiées et recoupées auprès des associations signataires)

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