Imaginez un instant pouvoir connaître le salaire moyen de vos collègues occupant un poste similaire au vôtre. Une perspective qui pourrait bientôt devenir réalité dans les entreprises françaises, sous l’impulsion d’une directive européenne. Adoptée en avril 2023, celle-ci vise à instaurer davantage de transparence en matière de rémunération, avec un objectif affiché : réduire les écarts salariaux persistants entre les hommes et les femmes.
Une mesure qui divise
Si certains y voient une opportunité de mieux négocier leur salaire, d’autres craignent que cette transparence ne génère des tensions au sein des équipes. Car admettons-le, découvrir que son collègue gagne plus que soi pour un travail équivalent pourrait susciter quelques frustrations…
Pourtant, selon une enquête récente, le tabou autour des salaires semble s’estomper. En effet, 54% des salariés se disent désormais à l’aise pour aborder le sujet avec leurs collègues, contre seulement 17% en 2019. Une évolution des mentalités qui pourrait faciliter l’application de cette directive.
Un levier pour l’égalité salariale
Car au-delà des réticences individuelles, cette mesure répond avant tout à un enjeu de taille : réduire les inégalités de rémunération entre les femmes et les hommes. En 2020, l’écart salarial moyen atteignait encore 13% au sein de l’Union européenne. Un chiffre qui peine à diminuer malgré les différentes législations en vigueur.
En imposant aux entreprises de communiquer les salaires moyens par poste équivalent, la directive entend ainsi mettre en lumière d’éventuels écarts injustifiés. Et les sanctions pourraient être lourdes pour les mauvais élèves qui ne régulariseraient pas la situation, avec à la clé des amendes.
Un défi pour les entreprises
Mais pour les entreprises, appliquer cette directive risque de représenter un véritable défi organisationnel et RH. Car au-delà de la simple communication des chiffres, il s’agira de pouvoir justifier d’éventuels écarts et surtout d’y remédier le cas échéant. Un travail de fond qui nécessitera des ressources et un suivi dans la durée.
Entre le texte et la mise en application, il y a souvent un monde.
Clara Moley, spécialiste de l’égalité au travail
Car comme le souligne Clara Moley, spécialiste de l’égalité au travail, il ne suffira pas de voter une loi pour changer les pratiques du jour au lendemain. Le principe d’égalité salariale est déjà inscrit dans le code du travail depuis de nombreuses années, sans pour autant être devenu une réalité dans toutes les entreprises.
Vers davantage de transparence ?
Néanmoins, cette directive marque une étape supplémentaire vers davantage de transparence, en faisant de la communication des salaires une obligation légale pour les entreprises. Les employeurs devront également rendre publiques les fourchettes de rémunération dès la publication des offres d’emploi.
Des mesures qui pourraient bien bousculer les habitudes et les façons de penser la rémunération en entreprise. Car au-delà de l’enjeu de l’égalité femmes-hommes, c’est toute la question des écarts salariaux et de leur justification qui risque d’être posée sur la table.
Entre craintes et espoirs, la directive européenne sur la transparence des salaires s’annonce donc comme une petite révolution, dont les effets se feront sentir progressivement dans les années à venir. Aux entreprises désormais de se préparer pour être au rendez-vous de ce changement majeur.