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Traité Plastique: Projet de Texte De Synthèse Avant Négociations Finales

Suspense à Busan: les négociateurs du premier traité mondial sur la pollution plastique ont 48h pour s'accorder sur un texte clivant. ONG et industriels déçus, certains pays veulent limiter la portée. Réussiront-ils à forger un accord ambitieux pour sauver les océans du fléau plastique ?

La tension est à son comble à Busan, en Corée du Sud, où plus de 170 pays sont réunis dans l’espoir de forger le tout premier traité mondial visant à combattre la pollution plastique. Vendredi, un texte de synthèse a été présenté par les négociateurs, mais il a suscité des réactions mitigées de la part des ONG environnementales et des acteurs industriels. Avec seulement 48 heures restantes pour parvenir à un accord, selon les règles établies il y a deux ans au début du processus onusien, une véritable bataille diplomatique s’annonce pour la dernière ligne droite.

Un mécanisme de contrôle de la production plastique en discussion

Le texte de synthèse, baptisé « non papier » dans le jargon diplomatique, propose notamment la mise en place d’un mécanisme pour contrôler la production mondiale de plastique. C’était une demande clé de la coalition des pays les plus ambitieux sur le sujet. Cependant, le projet ne contient pour l’instant aucune liste de produits chimiques jugés dangereux pour la santé, renvoyant ce point épineux aux futures conférences des parties (COP).

De nombreux sujets restent non résolus dans le texte, qui comporte encore beaucoup de passages entre crochets ou différentes options possibles. Pas moins de huit définitions de ce qu’est un plastique sont proposées, ainsi que cinq pour le concept même de « pollution plastique ». Un flou artistique qui laisse présager d’âpres négociations dans la dernière ligne droite.

La déception des ONG environnementales

Sans surprise, le texte présenté a laissé les militants écologistes sur leur faim. Ils espéraient une base de discussion beaucoup plus contraignante pour limiter les effets néfastes du plastique sur l’ensemble de son cycle de vie, de la création des polymères vierges jusqu’au traitement des déchets.

Nous appelons les pays à ne pas accepter le bas niveau d’ambition contenu dans ce brouillon de traité.

Eirik Lindebjerg, responsable plastique au WWF

Graham Forbes, chef de la délégation de Greenpeace à Busan, n’a pas mâché ses mots non plus. Il a qualifié le « non papier » de « pauvre tentative de nous obliger à trouver une conclusion et obtenir un traité pour l’amour du traité, avec une pléthore d’options dont certaines pourraient être calamiteuses ». Le seul point positif à ses yeux est l’inclusion d’un objectif global de réduction de la production plastique.

Des industriels également déçus

Côté industrie, on n’est guère plus enthousiaste. Jodie Roussell, porte-parole de la coalition des entreprises en faveur d’un traité ambitieux sur le plastique, a estimé que le texte « compile les rêves et les cauchemars de chaque nation présente » sans apporter « la certitude dont les entreprises ont besoin, avec des règles claires et légalement contraignantes ». Cette coalition rassemble des géants mondiaux de l’agroalimentaire, de la distribution ou du textile qui utilisent massivement le plastique, comme Coca-Cola, Ikea, L’Oréal ou encore Unilever.

Des motifs d’espoir malgré tout

Malgré ces critiques, certains veulent croire qu’un accord ambitieux reste possible. Un diplomate européen, sous couvert d’anonymat, a ainsi estimé que le texte « n’est pas parfait mais peut être une bonne base si d’autres ont la même opinion ». La ministre française de l’Energie Olga Givernet, fraîchement arrivée à Busan pour la dernière ligne droite, s’est aussi réjouie de voir émerger « un traité en 2024 qui traite bien du sujet d’une réduction de la production », qualifiant les discussions en cours « d’historiques ».

Des points de friction majeurs subsistent

Mais de nombreuses tensions et incertitudes persistent entre les pays. Le brouillon de traité prévoit notamment une option qui permettrait tout bonnement la suppression de l’article sur le contrôle de la production, une demande portée par l’Arabie saoudite depuis le début des débats cette semaine. La création ou non d’un nouveau fonds international pour soutenir les pays en développement face au fléau plastique n’est pas non plus complètement réglée à ce stade.

Nous devons faire des compromis pour atteindre le consensus.

Juan Carlos Monterrey Gomez, chef négociateur du Panama

Le Panama fait partie des pays qui défendaient un objectif chiffré de baisse de la production plastique. Il a accepté de n’inclure qu’un objectif non chiffré pour tenter d’obtenir un assentiment plus large. Son représentant Juan Carlos Monterrey Gomez a appelé les pays réticents à « laisser les autres décider et débarrasser le plancher », dans une intervention remarquée.

L’urgence d’agir face à un fléau sanitaire et environnemental

Andrew Yatilman, représentant de la Micronésie, a mis en avant les enjeux sanitaires et environnementaux pour faire bouger les lignes :

Les Etats du Golfe veulent défendre leur économie avec les carburants fossiles. Et nous alors ? Si rien n’est fait nous allons bientôt manger du plastique au lieu de manger du poisson.

Andrew Yatilman, représentant de la Micronésie

En effet, la pollution plastique et chimique menace désormais les écosystèmes et même la vie humaine. De nombreuses études montrent que nous ingérons et inhalons de plus en plus de microplastiques, avec des effets encore mal connus sur la santé. Face à l’urgence, les négociateurs de Busan n’ont plus que quelques heures pour tenter de faire émerger un accord à la hauteur des enjeux.

Conclusion : un traité attendu de longue date

Ce premier traité international visant à endiguer la pollution plastique est attendu depuis des années par la communauté internationale. Avec une production annuelle qui a plus que doublé en 20 ans pour atteindre 460 millions de tonnes (Mt), la pollution plastique est devenue un fléau planétaire. Selon l’OCDE, la quantité de déchets plastiques pourrait tripler d’ici 2060, avec notamment une fuite dans les océans qui pourrait passer de 30 à 145 Mt par an.

L’enjeu principal de ce traité est de mettre en place des mesures contraignantes et des mécanismes de contrôle sur l’ensemble du cycle de vie du plastique :

  • Réduction de la production et de l’utilisation, en particulier des plastiques à usage unique
  • Amélioration de la collecte, du recyclage et de la gestion des déchets
  • Prévention des fuites dans l’environnement
  • Promotion de matériaux alternatifs plus durables

Mais les dissensions entre pays producteurs de pétrole, pays consommateurs, pays en développement et ONG rendent les discussions particulièrement ardues. La bataille finale est engagée à Busan, avec l’espoir d’aboutir malgré tout à un texte fondateur pour lutter contre ce fléau du XXIe siècle. Les humains et la planète toute entière ont plus que jamais besoin de ce traité mondial contre la pollution plastique.

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