Un terrible drame humain s’est déroulé ce mercredi matin au large des côtes françaises. Deux migrants sont décédés lors d’une tentative désespérée de traverser la Manche à bord d’un frêle canot, dans l’espoir de rejoindre les côtes anglaises et d’y trouver un avenir meilleur. Ce naufrage, qui survient seulement quelques jours après la découverte du corps sans vie d’un nourrisson kurde irakien sur une plage, illustre une fois de plus les dangers mortels auxquels s’exposent ces exilés prêts à tout pour fuir la misère et les conflits.
48 personnes secourues in extremis
Selon les informations communiquées par les autorités maritimes, l’embarcation de fortune transportant une cinquantaine de migrants s’est retrouvée en difficulté vers 8h du matin, à environ deux kilomètres au large de Calais. Malgré l’intervention rapide des secours, alertés par un témoin ayant repéré un gilet de sauvetage à la dérive, le bilan est lourd. Si 48 personnes ont pu être ramenées saines et sauves sur la terre ferme, deux autres ont malheureusement été retrouvées inanimées, et n’ont pu être réanimées.
Ce nouveau drame porte à 54 le nombre de migrants morts en tentant de rallier le Royaume-Uni depuis le début de l’année 2024, faisant de ces douze derniers mois la période la plus meurtrière depuis l’apparition en 2018 du phénomène des “small boats”, ces canots pneumatiques bondés utilisés par les passeurs. Au péril de leur vie, hommes, femmes et enfants s’entassent sur ces embarcations de fortune, souvent sans gilet de sauvetage, pour affronter l’une des voies maritimes les plus fréquentées et dangereuses au monde.
L’Europe face au défi migratoire
Ces traversées tragiques au large de Calais remettent en lumière l’urgence de la situation migratoire en Europe. En affrontant la Manche au risque de leur vie, ces réfugiés et demandeurs d’asile témoignent de leur désespoir et de leur détermination à trouver une vie meilleure, loin des conflits, des persécutions et de la pauvreté. Mais l’Europe semble peiner à apporter une réponse humaine et coordonnée à ce défi, ballottée entre fermeté et compassion.
Dans un contexte où les idées et partis d’extrême-droite gagnent du terrain à travers le continent en surfant sur la peur de l’immigration, les dirigeants européens tentent de durcir leur politique tout en se déchirant sur la répartition de l’effort d’accueil. Comme l’ont montré les vifs débats lors du dernier sommet européen, la crise migratoire exacerbe les divisions et les égoïsmes nationaux, chacun renvoyant la responsabilité à ses voisins.
Un gouvernement britannique sous pression
Outre-Manche, le nouveau gouvernement travailliste élu en juillet dernier se retrouve sous le feu des critiques. Promettant une approche ferme pour endiguer les arrivées illégales, le Premier ministre Keir Starmer avait fait campagne sur une augmentation des expulsions et un renforcement de la lutte contre les passeurs. Mais sur le terrain, la situation semble échapper à tout contrôle, et chaque nouveau drame ravive les accusations d’impuissance ou de cynisme.
Pourtant, au-delà des instrumentalisations politiques, ces tragédies rappellent avant tout qu’il s’agit de vies humaines brisées sur l’autel de nos peurs et de nos lâchetés collectives. Derrière les chiffres et les mots, ce sont des destins individuels, des familles déchirées, des enfants sacrifiés. Comme ce bébé kurde irakien dont le corps sans vie a été retrouvé échoué il y a quelques jours à peine.
Vers une politique migratoire plus humaine ?
Face à l’horreur de ces drames à répétition, il est grand temps pour l’Europe de se ressaisir et de placer l’humanité au cœur de sa politique migratoire. Plutôt que de se barricader dans une illusoire forteresse et de sous-traiter le “sale boulot” à des pays tiers peu regardants sur les droits humains, l’UE doit assumer ses responsabilités et respecter ses valeurs.
Cela passe par l’ouverture de voies légales et sûres pour les réfugiés, afin qu’ils n’aient plus à risquer leur vie en Méditerranée ou dans la Manche. Par un mécanisme solidaire de répartition des demandeurs d’asile entre États membres. Par un renforcement des moyens pour l’intégration, l’éducation et l’emploi de ceux qui rejoignent nos sociétés. Et surtout, par un changement de regard sur ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ne demandent qu’à vivre en paix et en sécurité.
Il en va de notre humanité et de la cohésion de nos démocraties. Car en laissant se multiplier ces tragédies aux portes de l’Europe et en cédant à la tentation du repli, nous trahissons nos valeurs et fragilisons ce qui fait la force et la beauté de notre projet commun. Offrir l’asile aux opprimés et tendre la main à ceux qui souffrent, c’est aussi cela, être européen.