À quelques jours du scrutin des élections européennes, la campagne vire à la polémique. En cause : un tract du Rassemblement national mettant en scène un gendarme, vu de dos, appelant à voter pour la liste de Jordan Bardella le 9 juin prochain. Un visuel qui a fait bondir le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Christian Rodriguez, pour qui « ce message est inadmissible » et viole le statut militaire des gendarmes. Retour sur une affaire qui secoue la fin de campagne.
Quand un tract du RN met en scène un gendarme appelant à voter Bardella
C’est un tract qui ne passe pas inaperçu. Publié samedi sur le compte X (ex-Twitter) du Rassemblement national, il montre un homme en uniforme de gendarme, vu de dos, avec ce message : « Parce que je souhaite que les Français vivent en sécurité dans un pays où l’ordre est respecté et où on ne risque pas sa vie pour un regard de travers, le 9 juin je vote pour la liste de Jordan Bardella ».
Un tract qui reprend ainsi les thématiques sécuritaires chères au RN, en s’appuyant sur l’image d’un gendarme, pour inciter à voter pour la liste du parti à l’extrême droite menée par Jordan Bardella pour ces élections européennes 2024. Mais en utilisant ainsi l’uniforme d’un gendarme, le parti de Marine Le Pen est-il dans les clous ?
La réaction ferme du directeur de la gendarmerie nationale
Pas du tout, a tonné dès dimanche le général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. Sur X, il a affirmé que « le statut militaire interdit ce genre de message » et que celui-ci était « inadmissible ».
Le statut militaire s’impose aux gendarmes en toutes circonstances et leur interdit de s’exprimer publiquement sur les sujets politiques.
– Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale
Il a ainsi rappelé les principes de neutralité et de réserve auxquels sont soumis les militaires, y compris les gendarmes en raison de leur statut militaire. Pas question donc pour eux de prendre publiquement position, encore moins en uniforme, lors d’une élection.
Un tract « à la limite de la légalité » pour des juristes
Au-delà de la dimension morale et déontologique, ce tract polémique du RN pose aussi question sur le plan légal. Interrogé par FranceInfo, le constitutionnaliste Didier Maus estime ainsi qu’il se situe « à la limite de la légalité », voire « de nature à vicier le scrutin », au motif qu’il ferait un usage abusif de l’image de la gendarmerie.
Autre juriste sollicité, Jean-Philippe Derosier considère de son côté que l’utilisation de l’image d’un membre des forces de l’ordre « à des fins de propagande électorale » pourrait constituer « une atteinte à la dignité de la fonction » susceptible de poursuites.
Le RN assume et dénonce une « polémique ridicule »
Face à la polémique, le Rassemblement national a choisi l’offensive en dénonçant, par la voix de son président Jordan Bardella, une « polémique ridicule » visant à « détourner des vrais sujets ». « Il n’y a pas de gendarme, c’est un gendarme vu de dos, ce n’est pas un vrai. » a-t-il justifié.
Marine Le Pen a de son côté ironisé sur Twitter en publiant une photo du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin posant avec des policiers lors d’un meeting, demandant si le général Rodriguez allait là aussi « tweeter son indignation ».
En mars déjà, la polémique sur l’affiche de campagne d’un général
Ce n’est pas la première fois qu’une affiche de campagne pour ces élections européennes fait polémique. En mars dernier, c’est un visuel du général Christophe Gomart, en troisième position sur la liste Les Républicains, qui avait suscité des remous.
Et pour cause : il y apparaissait en uniforme militaire, ce qui avait là encore été jugé contraire au devoir de réserve par la Grande chancellerie de la Légion d’honneur. Avant un rétropédalage de l’intéressé.
Ces deux polémiques, à quelques semaines d’intervalle, illustrent en tout cas la sensibilité particulière de l’usage de l’uniforme et de l’institution militaire en période de campagne électorale. Avec à chaque fois, la tentation pour certains partis de jouer sur la corde sécuritaire en s’appuyant sur des images déjà chargées de sens.
Mais au risque de froisser les grands principes de neutralité politique auxquels sont astreints les militaires, qu’ils soient de l’armée de Terre, de la Gendarmerie ou d’ailleurs. Un devoir de réserve qui vise précisément à les placer en dehors des débats et des joutes partisanes.
Reste à savoir si ces deux épisodes auront des suites, disciplinaires ou judiciaires. Et surtout, s’ils pèseront dans les urnes dimanche prochain, pour ce scrutin européen déjà particulièrement tendu entre les différentes forces politiques en compétition.