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Tollé en Syrie suite aux propos controversés d’une responsable

Les déclarations chocs d'une responsable syrienne sur le rôle des femmes provoquent un séisme. Entre colère et stupéfaction, la société se déchire. Mais que s'est-il vraiment passé ?

C’est une véritable tempête qui s’est abattue sur la Syrie ces derniers jours. Des propos tenus par Aïcha al-Debs, présidente du Bureau des affaires de la Femme nouvellement créé au sein du gouvernement de transition, ont mis le feu aux poudres. Celle qui est l’unique femme de ce gouvernement a en effet tenu des propos pour le moins controversés lors d’une interview accordée à la télévision turque TRT. Interrogée sur la place qui sera donnée aux associations féministes dans la Syrie de demain, sa réponse a été on ne peut plus claire :

Si l’action de ces organisations soutient le modèle que nous allons construire, alors elles seront les bienvenues. Je ne vais pas ouvrir le passage à quiconque n’est pas d’accord avec ma pensée.

– Aïcha al-Debs, présidente du Bureau des affaires de la Femme

Des mots qui ont immédiatement suscité l’indignation générale. Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui ont vivement réagi, comme cette internaute qui a interpellé directement la responsable : « Tu peux parler de ta propre pensée dans ta maison, mais ne nous impose pas ta pensée qui veut qu’on reste à la maison ». L’actrice Aliaa al-Saïd a elle aussi fait part de sa colère : « Nous avons été emprisonnées pour pouvoir exprimer notre opinion, nous avons été déplacées, nos maisons ont été détruites, pour qu’à la fin tu viennes nous dire ce qui est permis et ce qui ne l’est pas ? ».

Un modèle de société en question

Au cœur de la polémique, la question du modèle de société que veut bâtir le nouveau gouvernement syrien. Aïcha al-Debs a été claire sur ce point, rejetant les modèles laïques ou civils : « Nous allons mettre en place un modèle propre à la société syrienne et c’est la femme syrienne qui va le réaliser ». Un modèle dans lequel, selon elle, les femmes ne doivent « pas outrepasser les priorités de leur nature créée par Dieu », à savoir « leur rôle éducatif au sein de la famille ». Des propos qui ont fait bondir de nombreuses Syriennes, qui y voient un retour en arrière inacceptable.

Le gouvernement tente de calmer le jeu

Face à l’ampleur de la polémique, le gouvernement syrien a tenté d’apaiser les esprits. Le chef de la diplomatie Assaad Hassan al-Chibani a ainsi tenu à réaffirmer le soutien des autorités aux femmes et à leurs droits : « Nous croyons au rôle actif de la femme au sein de la société, et nous avons confiance en ses capacités et ses compétences ». Des propos qui peinent cependant à convaincre une partie de la population, qui craint que ces déclarations ne soient que de façade.

Une question qui divise profondément

Au-delà de la polémique immédiate, c’est bien la question de la place des femmes dans la société syrienne qui est en jeu. Alors que le pays tente de se reconstruire après des années de guerre, le débat fait rage entre ceux qui veulent donner plus de droits et de libertés aux femmes, et ceux qui souhaitent au contraire un retour à un modèle plus traditionnel. Un clivage qui révèle les fractures profondes qui traversent aujourd’hui la Syrie.

L’appel à l’unité des femmes syriennes

Dans ce contexte tendu, Aïcha al-Debs a néanmoins tenté de se montrer rassembleuse, appelant toutes les femmes syriennes, « sunnites, druzes, alaouites ou chrétiennes », à s’unir : « Nous sommes toutes égales ». Elle a également invité « celles qui ont des diplômes et de l’expérience » à rejoindre les institutions gouvernementales. Un appel qui peine cependant à convaincre, beaucoup craignant qu’il ne s’agisse là que d’un énième discours creux, sans réelle volonté de changement.

Cette polémique, qui n’en est sans doute qu’à ses prémices, montre en tout cas à quel point la question de la place des femmes sera centrale dans la Syrie de demain. Entre volonté d’émancipation et tentation du retour en arrière, le chemin sera long et semé d’embûches. Mais une chose est sûre : les Syriennes entendent bien faire entendre leur voix, et ne se laisseront pas dicter leur conduite sans réagir.

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