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Togo : La Menace Jihadiste Gagne du Terrain au Nord

Depuis le Burkina Faso, les violences jihadistes s’intensifient au nord du Togo, tuant des dizaines de civils. Pourquoi ce silence médiatique ? Lisez pour comprendre...

Dans le nord du Togo, une menace silencieuse s’étend, portée par des vents de violence soufflant depuis le Burkina Faso voisin. Alors que les incursions jihadistes se multiplient, la région des Savanes, frontalière et vulnérable, vit sous tension. Depuis le début de 2025, des attaques répétées ont coûté la vie à des dizaines de personnes, révélant une crise sécuritaire que les autorités peinent à juguler tout en maintenant un voile médiatique sur l’ampleur des événements. Pourquoi ce silence ? Et comment le Togo fait-il face à cette montée du danger ?

Une Crise Silencieuse au Cœur des Savanes

Le nord du Togo, en particulier la préfecture de Kpendjal, est devenu un théâtre d’opérations pour des groupes jihadistes opérant depuis la province burkinabè de la Kompienga. Ces groupes, notamment une katiba affiliée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), profitent de frontières poreuses pour mener des attaques ciblées. En 2024, le Burkina Faso a enregistré le triste record du plus grand nombre de victimes liées au terrorisme dans le monde, avec 1 532 morts, selon l’Indice mondial du terrorisme. Cette violence déborde désormais sur le Togo, où les chiffres officiels restent rares.

Depuis janvier 2025, pas moins de 62 personnes, dont 54 civils et 8 militaires, ont perdu la vie dans 15 attaques, selon une déclaration récente du ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey. Ces chiffres, bien que partiels, traduisent une escalade alarmante. Pourtant, les autorités togolaises adoptent une stratégie de discrétion, limitant les communications pour, selon elles, éviter de démoraliser les forces armées engagées sur le terrain.

« L’invisibilisation médiatique est une politique de verrouillage informationnel assumée par le gouvernement. »

Madi Djabakate, politologue togolais

Des Frontières Poreuses, Terreau du Jihadisme

La porosité des frontières entre le Togo et le Burkina Faso joue un rôle clé dans cette crise. Les populations de la Kompienga burkinabè et de Kpendjal togolaise partagent des liens culturels et familiaux, rendant les contrôles frontaliers complexes. « Ce sont les mêmes populations des deux côtés », explique Mathias Khalfaoui, expert en sécurité ouest-africaine. Cette proximité facilite les mouvements des groupes armés, qui exploitent la faiblesse des infrastructures étatiques dans ces zones reculées.

Depuis la première attaque d’envergure en mai 2022, le Togo subit une pression constante. Selon une étude de la fondation Konrad Adenauer, les violences jihadistes n’ont connu presque aucune interruption depuis cette date, à l’exception notable de décembre 2022. Cette progression, bien que lente, est méthodique, les groupes armés étendant leur influence au-delà de Kpendjal, vers les préfectures d’Oti et d’Oti Sud depuis mai 2024.

Une progression lente mais inexorable : les groupes jihadistes s’enracinent dans le nord du Togo, profitant des failles structurelles et de l’isolement des populations locales.

Une Région Fragilisée par l’Absence de l’État

La région des Savanes, la plus pauvre du Togo, souffre d’un manque criant de services publics. Les écoles, centres de santé et infrastructures de base y sont rares, et l’affectation de fonctionnaires dans ces zones est souvent perçue comme une punition. Cette absence structurelle de l’État crée un terreau fertile pour l’insécurité. « Les conditions de vie dans les préfectures comme Kpendjal ou Kpendjal-Ouest sont extrêmement difficiles », confirme Madi Djabakate. Les populations, laissées à elles-mêmes, sont vulnérables aux discours des groupes armés.

Pour répondre à cette situation, le Togo a lancé en 2023 le Programme d’Urgence des Savanes (PURS), visant à améliorer les conditions de vie dans la région. Cependant, les résultats restent limités, et la réponse du gouvernement demeure largement militaire. Environ 8 000 soldats sont déployés dans le cadre de l’opération Koundjoaré, initiée en 2018, pour sécuriser le nord. Le budget de la défense a également bondi, passant de 8,7 % des dépenses publiques en 2017 à 17,5 % en 2022.

Un Verrouillage Médiatique Controversé

Face à la montée des violences, le gouvernement togolais a choisi de limiter les informations diffusées. La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) interdit aux médias de rapporter les détails des attaques, y compris les pertes humaines et matérielles. Cette stratégie, visant à préserver le moral des troupes et de la population, suscite des critiques. « Ce verrouillage informationnel empêche une prise de conscience collective de la gravité de la situation », déplore Madi Djabakate.

Ce silence médiatique contraste avec la réalité sur le terrain. En 2023, le gouvernement avait reconnu une trentaine de morts dans des attaques terroristes. Pour 2024, aucun bilan officiel n’a été publié, mais des estimations, comme celles du Security Council Report, font état de 52 victimes. Cette opacité complique l’évaluation de la situation et limite les débats sur les solutions à adopter.

Année Victimes (estimations) Source
2023 30+ Gouvernement togolais
2024 52 Security Council Report
2025 (janvier-août) 62 Ministre Robert Dussey

Une Réponse Militaire, mais des Défis Persistants

Le Togo a réagi rapidement à la menace jihadiste en renforçant sa présence militaire dans le nord. L’opération Koundjoaré, avec ses 8 000 soldats, vise à sécuriser les zones frontalières. Cependant, les experts, comme Mathias Khalfaoui, estiment que cette approche essentiellement répressive montre ses limites. « Ce sont des choses qui se bâtissent avec le temps », souligne-t-il, plaidant pour des solutions à plus long terme.

La réponse militaire, bien que nécessaire, ne suffit pas à endiguer la progression des groupes armés. La pauvreté, l’isolement et le manque d’infrastructures dans la région des Savanes alimentent le mécontentement des populations, rendant certaines d’entre elles vulnérables aux discours extrémistes. Le PURS, bien qu’ambitieux, peine à transformer rapidement les réalités sociales et économiques du nord.

La Nécessité d’une Coopération Régionale

Face à une menace qui transcende les frontières, la coopération régionale apparaît comme une solution incontournable. Le Togo, comme le Bénin, subit les conséquences de l’instabilité au Burkina Faso, où les groupes jihadistes, tels que le GSIM, prospèrent dans des zones mal contrôlées. Une coordination entre les pays d’Afrique de l’Ouest pourrait permettre de mieux contrer cette menace transnationale.

Pourtant, les divisions politiques et les priorités divergentes entre les États de la région compliquent cette coopération. Les initiatives régionales, comme celles portées par la CEDEAO, restent limitées face à l’ampleur du défi. « Seule une approche concertée peut espérer venir à bout du jihadisme dans la région », insiste Mathias Khalfaoui.

  • Renforcer les frontières : Contrôler les mouvements transfrontaliers tout en respectant les liens communautaires.
  • Développement local : Investir dans les infrastructures pour réduire la vulnérabilité des populations.
  • Coopération régionale : Harmoniser les stratégies sécuritaires entre le Togo, le Burkina Faso et le Bénin.

Vers un Avenir Incertain

Le nord du Togo se trouve à un tournant. La montée des violences jihadistes, combinée à l’isolement de la région des Savanes et à la stratégie de silence médiatique, crée un climat d’incertitude. Si les efforts militaires et les initiatives comme le PURS témoignent d’une volonté de répondre à la crise, ils ne suffisent pas à combler les failles structurelles qui alimentent l’insécurité.

Pour les habitants de Kpendjal, Oti et Oti Sud, le quotidien est marqué par la peur et le manque de perspectives. La solution réside peut-être dans un équilibre entre renforcement sécuritaire, développement socio-économique et coopération régionale. Mais dans une région où les défis s’entremêlent, le chemin vers la stabilité reste semé d’embûches.

Face à la menace jihadiste, le Togo peut-il trouver un équilibre entre sécurité et développement ? L’avenir des Savanes en dépend.

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