Un steak enrobé d’or, brandi comme un trophée dans un restaurant huppé de Londres, a failli coûter cher à un homme que l’on surnomme aujourd’hui le « tigre » du Vietnam. Cette anecdote, captée en pleine pandémie sur une vidéo virale, révèle autant la personnalité complexe de Tô Lâm que les tensions qui traversent ce pays en pleine transformation. Alors qu’il accueille un chef d’État européen à Hanoï, cet homme fort, à la tête du Parti communiste, incarne une ambition : faire du Vietnam une puissance régionale, tout en s’inspirant du modèle autoritaire chinois. Mais qui est vraiment Tô Lâm, et jusqu’où mènera-t-il son pays ?
Tô Lâm : L’Homme Derrière le Surnom de « Tigre »
Le parcours de Tô Lâm est celui d’un homme discret, mais calculateur, dont l’ascension fulgurante au sein du Parti communiste vietnamien (PCV) témoigne d’une habileté politique hors norme. Né en 1957, cet ancien ministre de la Sécurité publique a gravi les échelons dans l’ombre, avant de s’imposer comme secrétaire général du PCV. Son surnom de « tigre » ne vient pas seulement de son charisme, mais aussi de sa capacité à frapper fort et vite, notamment à travers une campagne anticorruption qui a secoué les élites du pays.
Sa méthode ? Une reprise en main sécuritaire qui rappelle les stratégies de Xi Jinping en Chine. En renforçant le contrôle de l’État sur les réseaux sociaux et en muselant les voix dissidentes, Tô Lâm a consolidé son pouvoir tout en projetant l’image d’un leader inflexible. Mais cette approche soulève une question : peut-on diriger un pays en plein essor économique tout en imposant un contrôle aussi strict ?
Une Campagne Anticorruption aux Allures de Purge
La campagne des « Fournaises ardentes », comme on l’appelle au Vietnam, est devenue le fer de lance de Tô Lâm. Officiellement, elle vise à éradiquer la corruption dans un pays où les scandales financiers et les abus de pouvoir gangrènent parfois les institutions. Mais pour beaucoup, cette initiative est aussi un outil pour éliminer les rivaux politiques et renforcer l’emprise du PCV sur le pays.
« La corruption est un cancer qui ronge la société vietnamienne. Nous devons l’éradiquer à tout prix. »
Tô Lâm, lors d’un discours officiel en 2023
En pratique, cette campagne a permis d’écarter des figures influentes du parti, tout en consolidant la mainmise de Tô Lâm sur les institutions. Des descentes de police ciblées, des arrestations médiatisées et des purges au sein de l’appareil d’État ont marqué cette période. Mais ce zèle sécuritaire a aussi un coût : il alimente les critiques sur une dérive autoritaire, inspirée du modèle chinois.
Chiffres clés de la campagne anticorruption :
- Plus de 2 000 enquêtes lancées depuis 2021.
- Des dizaines de hauts fonctionnaires et cadres du parti arrêtés.
- Des millions de dollars de fonds détournés récupérés.
Un Modèle Chinois pour le Vietnam ?
Les parallèles entre Tô Lâm et Xi Jinping ne sont pas fortuits. Comme le leader chinois, Tô Lâm mise sur un contrôle renforcé de la société pour garantir la stabilité du régime. Les réseaux sociaux, omniprésents dans un pays où 70 % de la population est connectée, sont particulièrement visés. En bloquant des hashtags sensibles et en surveillant les publications, le régime cherche à contrôler le récit national.
Cette stratégie s’inspire directement de la Grande Muraille numérique chinoise, un système de censure qui limite l’accès à l’information. Mais au Vietnam, où la jeunesse est avide de modernité et d’ouverture, ce contrôle suscite des tensions. Les internautes, habitués à contourner les restrictions, continuent de défier le pouvoir, même sous la menace de représailles.
Tô Lâm et l’Équilibre sur la Scène Internationale
Alors que Tô Lâm consolide son pouvoir à l’intérieur, il doit aussi naviguer dans un contexte géopolitique complexe. Le Vietnam, coincé entre la Chine et les États-Unis, cherche à tirer parti de la rivalité entre ces deux puissances. En accueillant un chef d’État européen, Tô Lâm envoie un message clair : Hanoï veut diversifier ses alliances et attirer des investissements étrangers.
Cette visite est une opportunité pour le Vietnam de renforcer ses liens économiques avec l’Europe, tout en maintenant une relation étroite avec la Chine. Mais la tâche est délicate. Les tensions commerciales, exacerbées par des droits de douane imposés par les États-Unis, placent le Vietnam dans une position vulnérable. Avec un déficit commercial important vis-à-vis de Washington, Hanoï doit redoubler d’efforts pour apaiser les tensions.
Pays | Déficit commercial avec le Vietnam (2024) |
---|---|
États-Unis | 46 milliards USD |
Chine | 30 milliards USD |
Union européenne | 20 milliards USD |
Le Paradoxe du Nationalisme Vietnamien
Pour mobiliser la jeunesse, Tô Lâm mise sur un nationalisme patriotique, souvent relayé via les réseaux sociaux. Ce « patriotisme TikTok », comme certains l’appellent, cherche à fédérer une population jeune et connectée autour de l’idée d’un Vietnam fort et indépendant. Mais ce discours nationaliste, bien que fédérateur, est à double tranchant. Il peut attiser les tensions avec la Chine, notamment en mer de Chine méridionale, où les deux pays se disputent des territoires stratégiques.
En parallèle, le régime doit gérer une population de plus en plus éduquée et ouverte sur le monde. Les jeunes Vietnamiens, qui représentent 60 % de la population, aspirent à plus de liberté et d’opportunités. Comment concilier ces aspirations avec un contrôle accru ? C’est l’un des défis majeurs de Tô Lâm.
L’Impact Économique : Un Vietnam en Plein Essor
Le Vietnam est devenu un acteur incontournable dans le commerce mondial, notamment grâce à ses exportations de produits électroniques et textiles. Mais cette dépendance aux marchés étrangers, en particulier les États-Unis, expose le pays à des risques. Les menaces de droits de douane imposés par Washington pourraient freiner cette croissance fulgurante.
Pour contrer ces défis, Tô Lâm cherche à diversifier les partenaires commerciaux du Vietnam. Les accords récents avec des entreprises américaines dans le secteur du nucléaire montrent cette volonté d’ouverture. Mais la dépendance économique reste un talon d’Achille, et le régime devra trouver un équilibre entre croissance et souveraineté.
Pourquoi le Vietnam attire-t-il les investisseurs ?
- Une main-d’œuvre jeune et qualifiée.
- Des coûts de production compétitifs.
- Une position stratégique en Asie du Sud-Est.
Tô Lâm Face à l’Avenir
Alors que Tô Lâm consolide son pouvoir, son leadership soulève des questions sur l’avenir du Vietnam. Peut-il maintenir une croissance économique soutenue tout en renforçant le contrôle de l’État ? Sa stratégie, inspirée de Xi Jinping, sera-t-elle viable dans un pays où la jeunesse aspire à plus de liberté ?
La visite d’un chef d’État européen à Hanoï est une occasion pour Tô Lâm de montrer que le Vietnam peut jouer dans la cour des grands. Mais derrière les fastes diplomatiques, les défis restent nombreux : tensions commerciales, rivalités géopolitiques et aspirations d’une population jeune et connectée. Le « tigre » saura-t-il rugir sans effrayer ses partenaires ?
« Le Vietnam doit avancer avec prudence, mais avec ambition. Nous ne pouvons pas nous permettre de stagner. »
Un analyste politique vietnamien, sous anonymat
En somme, Tô Lâm incarne un Vietnam à la croisée des chemins. Entre modernité et contrôle, entre nationalisme et ouverture, son leadership définira l’avenir de ce pays de 100 millions d’habitants. Une chose est sûre : le « tigre » n’a pas fini de faire parler de lui.