Alors que l’extension de l’utilisation des titres-restaurant pour faire ses courses alimentaires se profile à l’horizon 2025, les restaurateurs montent au créneau. Ils réclament un double plafond quotidien de paiement pour rééquilibrer l’usage de ces tickets entre la restauration et la grande distribution. Un sujet brûlant qui soulève de nombreux enjeux économiques et sociaux.
Un usage massif des titres-restaurant en supermarché
Instaurée en 2022, la possibilité d’utiliser les titres-restaurant pour acheter des produits alimentaires en supermarché a rapidement séduit les consommateurs. Aujourd’hui, près de 4 millions de salariés profitent de cette mesure pour augmenter leur pouvoir d’achat.
Ça m’est plus utile d’utiliser mes tickets restaurant dans le cadre de courses en supermarché plutôt qu’en restaurant. C’est plus économique, surtout moi, je suis jeune, donc j’en ai besoin.
Alexandre, utilisateur de titres-restaurant
Le problème, c’est que sur 10 tickets utilisés, 6 le sont dans les supermarchés contre seulement 4 en restaurant. Un déséquilibre flagrant qui pénalise lourdement le secteur de la restauration.
Des pertes colossales pour les restaurateurs
Pour les restaurateurs, le manque à gagner est considérable. Romain Vidal, gérant de la brasserie “Sully” à Paris, a vu l’usage des titres-restaurant baisser de 40% dans son établissement, soit une perte estimée à plus de 2000€ chaque mois.
Ça pourrait correspondre à une table de 4 ou 6 personnes qui ne viennent plus déjeuner tous les midis. Donc, mis bout à bout sur 22 jours, à la fin du mois, ça représente quand même une petite centaine de couverts. Ça peut être compliqué de remédier à ce manque à gagner.
Romain Vidal, restaurateur
Au total, ces pertes se chiffrent en millions d’euros non dépensés dans les restaurants. Une situation intenable pour les professionnels du secteur.
Le double plafond, solution miracle ou mesure insuffisante ?
Pour compenser ces pertes, les syndicats de restaurateurs appellent le gouvernement à instaurer un double plafond d’utilisation quotidienne des titres-restaurant. L’idée serait de limiter le montant utilisable en supermarché à 15€ par jour, tout en le maintenant à 25€ pour les restaurants.
Nous souhaiterions avoir maximum 15 euros pour la grande distribution et 25 euros dans la restauration comme il est aujourd’hui.
Franck Chaumès, président de l’Umih restauration
Une proposition soutenue par l’autre grand syndicat du secteur, le GNI. Mais cette mesure sera-t-elle suffisante pour enrayer la tendance et relancer la fréquentation des restaurants le midi ? Rien n’est moins sûr…
Un avantage social qui doit rester ancré dans la restauration
Du côté des émetteurs de titres-restaurant comme Edenred, on se montre plus que réservé quant à la pérennisation de l’utilisation des tickets en supermarché. Pour eux, ce dispositif doit rester prioritairement un avantage social destiné à bien s’alimenter pendant sa journée de travail.
Il est donc important qu’à long terme, il reste ancré dans la restauration, pour que les entreprises continuent d’accepter de le financer.
Edenred
Un point de vue partagé par de nombreux acteurs qui craignent qu’un basculement trop important vers la grande distribution ne dénature ce dispositif social et ne remette en cause son financement par les employeurs.
Le gouvernement face à un choix cornélien
Au final, le gouvernement se retrouve face à un dilemme épineux. D’un côté, il y a la volonté de prolonger une mesure plébiscitée par les salariés et qui soutient le pouvoir d’achat. De l’autre, la nécessité de préserver un secteur de la restauration déjà fragilisé et qui joue un rôle clé dans l’économie et l’emploi.
La décision finale, attendue dans les prochaines semaines, s’annonce délicate. Elle devra trouver le juste équilibre entre ces différents enjeux. Le double plafond quotidien, s’il est retenu, ne sera sans doute qu’un élément de réponse parmi d’autres pour tenter de ménager la chèvre et le chou.
Une chose est sûre : le débat autour de l’utilisation des titres-restaurant est loin d’être clos. Il illustre la complexité de notre modèle social et la difficulté de faire évoluer des dispositifs historiques dans un contexte économique tendu. Affaire à suivre…
