En ce début d’année 2025, une décision sans précédent secoue le monde numérique. L’Albanie, par la voix de son Premier ministre Edi Rama, vient d’annoncer l’interdiction pure et simple du réseau social TikTok pendant un an sur l’ensemble de son territoire. Une mesure choc qui soulève de nombreuses questions sur l’avenir de la plateforme et plus largement sur la régulation des géants du web.
Un choix assumé pour protéger la jeunesse albanaise
Selon les déclarations d’Edi Rama, relayées par une source proche du gouvernement, cette suspension de TikTok n’est pas une réaction à chaud mais bien « une décision mûrement réfléchie ». Le Premier ministre invoque notamment une concertation menée avec les parents d’élèves dans les écoles du pays.
Au cœur des préoccupations : la sécurité des plus jeunes. Un drame récent, impliquant la mort d’un adolescent de 14 ans à Tirana suite à une rixe ayant débuté sur les réseaux sociaux, a servi d’électrochoc. Bien que TikTok affirme que l’altercation n’a pas directement pris naissance sur sa plateforme, Edi Rama balaie cet argument :
Prétendre que le meurtre de l’adolescent n’a aucun lien avec TikTok parce que le conflit n’a pas pris naissance sur la plateforme démontre une incapacité à saisir la gravité de la menace que TikTok représente pour les enfants et les jeunes d’aujourd’hui.
Edi Rama, Premier ministre albanais
Une app particulièrement addictive pour les ados
Au-delà de ce fait divers tragique, c’est bien le modèle même de TikTok qui est remis en cause. Avec ses vidéos ultra-courtes qui défilent en continu, l’application chinoise surpasse tous ses concurrents en termes de captation de l’attention. Un rapport de We Are Social montre qu’en 2024, les utilisateurs Android passaient en moyenne 34 heures par mois sur TikTok.
Un pouvoir d’addiction qui inquiète particulièrement quand il s’agit des plus jeunes, comme le souligne une étude menée par l’Unicef en Albanie :
- 62% des 11-16 ans utilisent TikTok quotidiennement
- 28% y passent plus de 3 heures par jour
- 57% admettent négliger d’autres activités à cause de l’app
Des accusations d’espionnage et de manipulation
Au-delà de son impact sur les jeunes, TikTok cristallise d’autres craintes. Son appartenance au groupe chinois ByteDance suscite régulièrement des accusations d’espionnage, notamment aux États-Unis où une enquête est en cours. L’Union Européenne s’inquiète aussi d’une possible influence sur les processus démocratiques, comme lors de l’élection présidentielle roumaine où l’app aurait favorisé un candidat d’extrême droite.
Face à ces risques, plusieurs pays ont déjà interdit TikTok pour leur personnel institutionnel. Mais l’Albanie est le premier à franchir le pas d’une interdiction générale. Un acte fort qui pourrait faire des émules en Europe, où la régulation des géants du numérique est au cœur des débats.
TikTok promet plus de transparence
De son côté, TikTok tente de redorer son image en misant sur la transparence. La plateforme organise des « centres de transparence », comme récemment en Irlande, pour lever le voile sur son fonctionnement et son algorithme. Elle a aussi annoncé de nouvelles mesures pour protéger les mineurs, comme la suppression des filtres beauté pour les moins de 18 ans.
Mais ces efforts suffiront-ils à rassurer les pouvoirs publics ? L’avenir de TikTok en Europe semble plus que jamais suspendu aux décisions des régulateurs. La fermeté affichée par l’Albanie pourrait bien donner le « la » d’une nouvelle ère dans les rapports de force entre États et réseaux sociaux.