Imaginez vivre dans une région où chaque journée porte le poids d’une menace invisible. Au nord de l’Éthiopie, dans le Tigré, les habitants retiennent leur souffle. Après des années de guerre brutale, la paix semblait enfin à portée de main, mais aujourd’hui, un vent de panique souffle à nouveau, ravivant des souvenirs douloureux.
Un Passé Meurtrier qui Hante le Présent
Il y a à peine deux ans et demi, le Tigré sortait d’un conflit dévastateur. Entre 2020 et 2022, cette région a été le théâtre d’une guerre opposant les forces fédérales éthiopiennes, soutenues par des milices et l’armée érythréenne, aux rebelles tigréens. Le bilan est effroyable : au moins 600 000 morts en deux ans, selon des estimations officielles.
À l’époque, tout s’était effondré. Les banques avaient fermé leurs portes, les réseaux de communication étaient coupés, et les avions ne survolaient plus la région. Puis, un accord de paix signé à Pretoria a ramené un semblant de calme. Mais aujourd’hui, ce fragile équilibre vacille.
Une Région au Bord de l’Abîme
Depuis quelques mois, des fissures profondes sont apparues au sein du parti dominant, le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Deux factions s’affrontent : l’une dirigée par un haut responsable nommé par le gouvernement fédéral, l’autre fidèle au chef historique du parti. Ces divisions, loin d’être anodines, font craindre une guerre civile interne.
« Les gens sont terrifiés à l’idée qu’un nouveau conflit soit encore pire que le précédent. »
– Un universitaire tigréen, contacté par téléphone
Dans les rues de Mekele, la capitale régionale, l’angoisse est palpable. Les habitants se précipitent dans les banques pour retirer leurs économies, craignant une nouvelle suspension des services. D’autres stockent de la nourriture, anticipant des jours sombres.
La Panique au Quotidien
Les témoignages affluent, tous marqués par une même urgence. Un père de famille de 40 ans, vivant à Aksoum, raconte avoir retiré l’équivalent de 50 euros pour acheter de l’huile et du sel. « On a peur de l’inconnu », confie-t-il. À Adigrat, près de la frontière érythréenne, des hommes armés ont pris le contrôle de la mairie, chassant le responsable en place.
- Retraits massifs : Les habitants vident leurs comptes avant une possible fermeture des banques.
- Stocks de survie : Riz, huile, sel… Les provisions s’entassent dans les foyers.
- Inflation galopante : Les prix explosent, rendant chaque achat plus difficile.
Cette peur n’est pas irrationnelle. Lors du précédent conflit, la région a été isolée du monde, plongée dans un silence oppressant. Aujourd’hui, les mêmes signaux d’alarme résonnent.
Un Conflit aux Multiples Visages
Le Tigré ne craint pas seulement une guerre interne. À l’horizon se profile une autre menace : une escalade avec l’Érythrée, le voisin du nord. Les relations entre les deux pays, déjà marquées par une guerre sanglante entre 1998 et 2000, se sont à nouveau tendues après le conflit tigréen.
D’après une source sécuritaire anonyme, des convois d’armes auraient été repérés dans la région Afar, près de la frontière. Asmara, la capitale érythréenne, accuse son voisin de provocations. Pendant ce temps, les Tigréens se sentent pris en étau.
Une Population Épuisée
Avec environ six millions d’habitants, le Tigré est une région riche en histoire, mais aujourd’hui exsangue. L’économie, déjà fragilisée par des années de combats, ne tient qu’à un fil. L’inflation ronge le pouvoir d’achat, et les familles dépendent souvent de l’aide de leurs proches à l’étranger.
« Notre population est épuisée, notre économie dévastée. Une guerre maintenant serait intenable. »
– Un habitant de Mekele
Pour beaucoup, cette situation est un cauchemar qui se répète. Les cicatrices de la guerre passée sont encore fraîches, et l’idée d’un nouveau conflit, qu’il soit interne ou régional, semble insupportable.
Les Leçons d’un Accord Fragile
L’accord de Pretoria, signé en novembre 2022, devait marquer la fin des hostilités. Il prévoyait le désarmement des rebelles et le retour des services essentiels. Mais sa mise en œuvre traîne, alimentant les tensions au sein du TPLF. Pour les habitants, cet échec est une trahison.
Événement | Date | Conséquence |
Guerre du Tigré | 2020-2022 | 600 000 morts |
Accord de Pretoria | Nov. 2022 | Paix fragile |
Tensions actuelles | 2025 | Risque de conflit |
Ce tableau illustre une chronologie brutale. Chaque étape semble mener à une nouvelle incertitude, laissant les Tigréens dans une attente angoissante.
Vers un Avenir Incertain
Le Tigré est aujourd’hui à la croisée des chemins. Entre les divisions internes, les pressions externes et une économie en ruines, la région semble au bord du précipice. Les habitants, eux, oscillent entre résignation et espoir ténu.
Que retenir ? Une population qui vit dans la peur, des tensions qui s’accumulent, et un passé qui refuse de s’effacer. Le Tigré mérite-t-il un répit ?
Alors que les regards se tournent vers cette région oubliée, une question persiste : combien de temps la paix tiendra-t-elle avant que les armes ne parlent à nouveau ?