Quand un groupe légendaire comme Radiohead se retrouve au cœur d’une polémique internationale, les projecteurs ne s’allument pas seulement sur leur musique, mais aussi sur leurs choix politiques. Thom Yorke, chanteur emblématique du groupe, a récemment fait parler de lui en déclarant qu’il ne se produirait pas en Israël sous le régime actuel de Benjamin Netanyahu. Cette prise de position, exprimée lors d’une interview, a ravivé un débat brûlant autour du boycott culturel et des tensions israélo-palestiniennes. Pourquoi un tel choix ? Quelles en sont les implications pour Radiohead et ses fans ? Cet article plonge dans cette controverse, entre convictions personnelles, pressions extérieures et désaccords internes.
Un Refus Clair et une Position Affirmée
Thom Yorke n’a pas mâché ses mots. Interrogé sur la possibilité de donner un concert en Israël aujourd’hui, sa réponse a été catégorique : « Absolument pas ». Il a justifié cette décision par son désir de se tenir éloigné du régime de Benjamin Netanyahu, une déclaration qui résonne comme un écho aux appels au boycott culturel lancés par des militants propalestiniens. Cette position intervient alors que Radiohead s’apprête à lancer sa première tournée depuis sept ans, début novembre, un événement très attendu par les fans du groupe britannique.
Mais ce refus ne sort pas de nulle part. Depuis leur concert à Tel Aviv en 2017, Radiohead est régulièrement sous le feu des critiques de la part de militants qui dénoncent leur décision de s’être produit en Israël à l’époque. Ce choix avait alors divisé, certains y voyant une prise de position implicite, d’autres un simple acte artistique. Aujourd’hui, Thom Yorke semble vouloir clarifier sa position, tout en révélant les tensions internes au sein du groupe.
Retour sur le Concert de 2017 : Une Décision Mal Comprise ?
En 2017, Radiohead avait choisi de se produire à Tel Aviv malgré les appels au boycott émanant du mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions). À l’époque, Thom Yorke estimait que ce concert avait un sens, notamment pour maintenir un dialogue à travers l’art. Cependant, il a récemment partagé une anecdote troublante : lors de leur séjour à Tel Aviv, un homme, apparemment haut placé, l’a approché pour le remercier chaleureusement. Ce geste a profondément marqué le chanteur, qui s’est senti « horrifié » par ce qu’il a perçu comme une récupération politique de leur performance.
« J’ai été vraiment horrifié que le concert soit détourné. »
Thom Yorke
Cette expérience semble avoir joué un rôle clé dans l’évolution de la pensée de Yorke. Ce qui était à l’époque une tentative de rester neutre, ou du moins de ne pas céder aux pressions extérieures, s’est transformé en une prise de position plus tranchée. Le chanteur semble aujourd’hui vouloir éviter toute ambiguïté quant à son opposition au gouvernement israélien actuel.
Des Tensions au Sein de Radiohead
Si Thom Yorke affiche une position claire, tous les membres de Radiohead ne partagent pas son point de vue. Jonny Greenwood, guitariste du groupe, a exprimé un désaccord nuancé. Marié à une artiste israélienne et collaborant depuis une décennie avec le musicien israélien Dudu Tassa, Greenwood défend une approche différente. Pour lui, le boycott culturel pourrait même renforcer les positions extrêmes du gouvernement israélien, qui pourrait l’utiliser pour alimenter un discours de victimisation.
« Le gouvernement est susceptible d’utiliser le boycott en disant : ‘Tout le monde nous déteste — nous devrions faire exactement ce que nous voulons’, ce qui est bien plus dangereux. »
Jonny Greenwood
Greenwood ne regrette pas son engagement avec des artistes israéliens et arabes, soulignant l’importance de ces collaborations pour dépasser les clivages. Cependant, il admet une certaine gêne d’avoir entraîné ses collègues dans cette polémique. Cette divergence d’opinions au sein du groupe illustre la complexité du sujet, où les choix artistiques se heurtent à des enjeux politiques brûlants.
Les Pressions Extérieures : Une Réalité pour Radiohead
Radiohead n’est pas étranger aux controverses. Lors d’un concert à Melbourne il y a un an, Thom Yorke a été interrompu par un spectateur propalestinien qui l’a interpellé sur la situation à Gaza. Ce moment, chargé de tension, a mis en lumière la pression exercée sur le groupe par des militants. De même, Jonny Greenwood a dû annuler deux concerts au Royaume-Uni en mai dernier après des « menaces crédibles » liées à un appel au boycott de la part d’un groupe propalestinien.
Ces incidents montrent à quel point les artistes, même ceux aussi influents que Radiohead, peuvent se retrouver au cœur de débats géopolitiques, parfois malgré eux.
Ces événements ont-ils influencé la décision de Thom Yorke de refuser de jouer en Israël aujourd’hui ? Probablement. Ils témoignent en tout cas de l’intensité des émotions suscitées par le conflit israélo-palestinien, où chaque geste public est scruté et interprété.
Et Si Radiohead Avait Joué à Ramallah ?
Un autre membre du groupe, Ed O’Brien, a apporté une perspective différente en suggérant que Radiohead aurait dû se produire à Ramallah, en Cisjordanie, en plus de Tel Aviv en 2017. Cette idée, bien que formulée a posteriori, reflète une volonté de reconnaître les deux facettes du conflit. Jouer dans les territoires palestiniens aurait peut-être permis au groupe d’envoyer un message d’équilibre, mais cela aurait-il suffi à apaiser les critiques ? Rien n’est moins sûr.
Le conflit israélo-palestinien est un terrain miné pour les artistes. Chaque décision, qu’il s’agisse de jouer ou de boycotter, est interprétée comme une prise de position. Pour Radiohead, ce dilemme est d’autant plus complexe que le groupe a toujours cherché à privilégier l’art sur la politique, une approche qui semble de plus en plus difficile à maintenir.
Le Boycott Culturel : Une Arme à Double Tranchant
Le débat autour du boycott culturel est loin d’être nouveau. Pour ses défenseurs, refuser de se produire dans un pays est une manière de dénoncer des politiques jugées oppressives. Pour ses détracteurs, comme Jonny Greenwood, il risque d’isoler les populations et de renforcer les positions des gouvernements contestés. Ce dilemme divise non seulement les artistes, mais aussi leurs publics.
Voici quelques arguments clés des deux côtés :
- Pour le boycott : Une prise de position symbolique forte contre les politiques d’un gouvernement.
- Contre le boycott : Risque d’isoler les artistes locaux et de limiter le dialogue culturel.
- Impact sur les fans : Les concerts boycottés privent les publics locaux d’accès à la culture.
Dans le cas de Radiohead, le choix de 2017 de jouer à Tel Aviv a été perçu par certains comme un soutien implicite au gouvernement israélien, tandis que la décision actuelle de Thom Yorke de s’abstenir pourrait être vue comme un revirement. Cette évolution reflète peut-être une prise de conscience des implications de leurs choix, mais elle soulève aussi la question de l’impact réel des boycotts culturels.
Une Tournée sous Haute Tension
Alors que Radiohead s’apprête à reprendre la route pour une tournée européenne de 20 concerts dans cinq villes, la polémique autour d’Israël risque de les suivre. Les fans, déjà impatients de retrouver le groupe après sept ans d’absence, pourraient se retrouver confrontés à des manifestations ou à des prises de position publiques. Comment le groupe gérera-t-il ces tensions ? Thom Yorke, Jonny Greenwood et leurs collègues devront-ils clarifier davantage leurs positions ?
Pour l’instant, le groupe semble vouloir se concentrer sur la musique. Mais dans un monde où l’art et la politique sont de plus en plus entremêlés, cette ambition pourrait s’avérer difficile à tenir. Les choix de Radiohead, qu’il s’agisse de jouer ou de ne pas jouer, continueront de faire débat, reflétant les complexités d’un conflit qui dépasse largement les frontières de la scène musicale.
L’Art Face à la Politique : Un Équilibre Précaire
L’histoire de Radiohead illustre un dilemme universel pour les artistes : comment rester fidèle à ses convictions tout en évitant d’être instrumentalisé ? Thom Yorke, en refusant de jouer en Israël, envoie un message clair, mais il sait que ce choix ne fera pas l’unanimité. Jonny Greenwood, de son côté, insiste sur l’importance du dialogue à travers l’art, même dans des contextes controversés.
Ce désaccord interne, loin d’affaiblir le groupe, enrichit le débat. Il montre que même au sein d’une entité aussi unie que Radiohead, les questions géopolitiques suscitent des visions divergentes. Pour les fans, c’est une invitation à réfléchir : peut-on séparer l’art de la politique ? Et si non, jusqu’où un artiste doit-il s’engager ?
Dans un monde polarisé, chaque note jouée, chaque silence choisi, devient un statement.
En fin de compte, la décision de Thom Yorke de ne pas jouer en Israël, tout comme les positions nuancées de Jonny Greenwood et Ed O’Brien, reflète la complexité d’un débat où il n’existe pas de réponse simple. Radiohead, par sa musique et ses choix, continue de provoquer, d’interroger et de fasciner, bien au-delà des salles de concert.









